Regards croisés

(suite et fin)

V E S T I A I R E S (4)

 

 

 

 

 

- Stéphane n’est pas là ?… - Ah non… Non… Stéphane n’est pas là… C’était Lambert… Tout sourire… - Tu m’offres un café ?… Ses yeux obstinément rivés à ma croupe tandis que je m’affairais dans le coin cuisine… - Merci… Il a longuement tourné sa cuiller dans sa tasse… - C’est pas souvent qu’on a l’occasion de bavarder un peu tous les deux… C’est dommage… - Pour qui ?…    - Au moins pour moi… Je t’observe souvent quand on est tous ensemble… Qu’est-ce tu peux t’emmerder !… - Moi, tu sais, la médecine… - Et moi donc !… Il y a quand même des choses plus importantes dans la vie… - Ah oui ?!… Quoi ?... - Le cul par exemple… - Nous y voilà… - T’es pas de mon avis ?… - Tout dépend ce qu’on entend par là… - Oh, il y a pas trente-six définitions possibles… Le cul c’est le cul… Il a vidé sa tasse d’un trait jusqu’au fond…

 

 

 

- Tu sais ce que je me demande ?… C’est ce qu’une fille comme toi peut bien fabriquer avec un type comme Stéphane… - Moi aussi par moments… - De toute façon tu n’es pas vraiment avec lui… Tu l’as jamais été… Ca se voit, tu sais !… Tu es si lointaine… Ailleurs… Là où tu n’as pas la moindre envie qu’on te rejoigne… Tu es où ?… A quoi tu penses pendant qu’ils débitent leurs petites histoires d’étudiants à la mords-moi-le nœud ?… - Et toi à quoi tu penses?… - Moi ?… Oh, moi, si je te le disais… - Dis toujours… - Tu l’auras voulu… Moi, je te regarde et je me dis que Stéphane ne sait pas la chance qu’il a… Je te regarde et j’essaie de te voir sous tes vêtements… Je te rêve… J’imagine que tu es ma toute première patiente… Que tu es dans mon cabinet… Que tu te déshabilles… Lentement… Si lentement… Tu as quoi, Julie, là sous ta robe en ce moment ?… Une culotte ou un string ?… - Là… maintenant ?… Rien… Rien du tout… - Si tu savais le nombre de fois où c’est comme ça - sans rien dessous - que, dans mes rêveries, tu as été auprès de moi… Un peu partout… Ici… Dans la rue… Mais au restaurant surtout… Souvent… On est tous les deux… Les gens aux tables autour ne savent rien… ne se doutent de rien… - Et en vrai ?… Ca te dirait en vrai ?… Il m’a regardé incrédule… - Si ça me dirait !… - Eh bien on y va alors !…     

 

 

 

 

 

 

C’était une grande et volumineuse enveloppe marron adressée à mon nom et barrée d’un grand PERSONNEL en lettres rouges dans le coin gauche… J’ai d’abord consciencieusement dépouillé tout le courrier de l’agence et puis je l’ai ouverte… Des photos… Des monceaux de photos… De moi… Rien que de moi… Derrière le comptoir… Dans la rue… Au bras de Stéphane… Au Supermarché… Et d’autres d’avant… Sur le campus… Dans le jardin de mes parents… Avec Coralie… Avec des gens d’alors… Dans des endroits d’alors… Ca remontait à… des années… Des années de photos… Et puis, tout au-dessous de la pile, c’était Lambert au restaurant avec moi l’autre soir…

 

 

 

Le téléphone a sonné… Lui… Evidemment… Lui… - Vous n’avez pas honte d’espionner les gens comme ça ?… - Je vous espionne pas… Sa voix… Oh, sa voix… - Je vous espionne pas… Je vous observe… Je vous regarde… Je vous garde… Tout le temps… Partout où c’est possible… Et j’attends… J’attends que vous vous le fassiez… Si vous saviez quel bonheur c’est pour moi chaque fois !… Vos lèvres qui s’entrouvrent… Vos yeux qui se perdent… Tout votre corps qui frémit… Je ne vis que pour ça… Que pour ces instants-là… Depuis 6 ans jamais vous n’avez été vraiment seule… Jamais… Nulle part… Avec personne… Où que vous soyez, quoi que vous fassiez, j’ai toujours trouvé une solution pour ne pas vous quitter des yeux… pour être là avec vous tout près… Toujours… Je suis votre mémoire… Je sais de vous des choses que vous avez oubliées… Que je vous rendrai le jour où vous en aurez besoin… Il vous suffira de demander… - Mais c’est complètement fou ça !… Jamais je me suis rendu compte de rien… Jamais… - Je sais être discret… - Mais vous êtes qui à la fin ?… Pourquoi moi ?… - A la fac vous faisiez partie de l’Association Sportive… Ce jour-là - c’était le 27 Mai - vous longiez la piste… Vous reveniez d’un match de hand-ball… J’étais en compagnie d’un maître nageur de mes connaissances qui vous a montrée du doigt… - Vise cette fille… Vise-la bien !… Je l’ai vue se branler… Dans les vestiaires… J’étais dans celui d’à côté… Et je peux te dire qu’elle faisait pas semblant… Ah, la garce, elle y allait de bon cœur !… Et tout a commencé pour moi…

 

 

 

Un client… J’ai raccroché…

 

 

 

 

 

 

    Les vestiaires, oui !… Ca avait commencé comme ça : on se prélassait au soleil sur un banc… Le square était désert… On avait relevé nos robes très haut sur les cuisses pour bronzer… Trois jeunes - trois lycéens - sont soudain apparus au détour d’une allée… On a vite rabattu pour relever encore plus haut - culottes à découvert - dès qu’ils ont eu dépassé le banc… On a fixé leurs dos… Juste au moment de disparaître il y en a un qui s’est retourné… Qui a vu… Les autres aussi se sont retournés… On a ri sous cape…

 

 

 

- Chiche qu’on le fait là !… - Chiche !… Et on a glissé nos mains dans nos culottes… Un type est passé en courant, à petites foulées, sans nous prêter la moindre attention… Le vieux un peu plus tard, lui, par contre, ça a été moins une… On a juste eu le temps… Il nous a longuement considérées d’un œil soupçonneux…

 

 

 

Comment ça rajoutait du piment de jouer avec le feu comme ça… De courir à tout moment le risque d’être surprises… On a recommencé… Dans les endroits les plus invraisemblables… On était constamment à l’affût pour en dénicher de nouveaux…

 

 

 

Mais notre terrain d’action de prédilection c’était incontestablement les vestiaires… Après l’entraînement du mardi soir… On saisissait n’importe quel prétexte pour traîner… Pour laisser aux autres filles le temps de s’en aller… Pour rester toutes les deux toutes seules… Et…

 

 

 

On était en relative sécurité : les garçons - qu’on entendait s’appeler, courir, chahuter aux alentours -  n’entraient jamais dans les vestiaires des filles… Mais on savait jamais… Il suffisait d’une fois… Dès qu’ils s’approchaient d’un peu trop près on se rajustait précipitamment, on faisait mine de mettre de l’ordre dans nos sacs… Ils passaient… On reprenait…

 

 

 

On venait tout juste de finir… On était en petite culotte, rouges encore du plaisir que l’on s’était offert… La porte s’est ouverte… On n’avait rien entendu venir… Il était grand, athlétique, vêtu d’un survêtement bleu… - Ah, mais il y a encore quelqu’un ici !… Qu’est-ce que vous fichez là vous deux ?… On a balbutié un vague : - On est restées à discuter… On allait partir… Il a haussé les épaules… refermé la porte… - D’un peu plus !… - Qu’est-ce qu’il était beau en tout cas !…

 

 

 

Les parois du vestiaire ne montaient pas jusqu’à l’arête du plafond… Il s’en fallait d’une bonne vingtaine de centimètres… Je l’avais fait remarquer, dès le début, à Coralie… - T’as vu la hauteur ?… Qui c’est tu veux qui monte jusque là-haut ?… De toute façon c’est toujours vide à côté… Il y a jamais personne… La preuve que si…

 

 

 

 

 

 

En bonne maîtresse de maison j’allais les accueillir les uns après les autres au fur et à mesure de leur arrivée… Lambert, je l’ai retenu, par la manche, une fraction de seconde, à l’entrée du séjour… - William… J’ai toujours pas de culotte… Il m’a lancé un clin d’œil…

 

 

 

Ils s’étaient déjà lancés dans l’un de ces débats stériles et vains dont ils avaient le secret… Sur la place de la femme dans la société… Pas moins… La mienne de place je l’avais trouvée… Sur le canapé… Juste en face de William…

 

 

 

Dumas en était convaincu : ce sont les femmes qui reflètent le véritable état moral d’une société… - Parce que - qu’on le veuille ou non - ce sont elles qui mettent les enfants au monde… Scaronni a tranquillement constaté… - En fait ce que tu veux nous dire c’est qu’il faut que les femmes soient vertueuses pour que tu puisses être sûr d’être le père de tes enfants… J’ai croisé les jambes et… le regard de William…

 

 

 

Stéphane a proposé d’élargir le débat… - Parce qu’on s’enlise là… On s’enlise… Non… La vraie question c’est celle de la responsabilité collective… C’est la société qui nous formate en fonction de l’intérêt qu’elle a à ce qu’on soit ceci plutôt que cela… Et comme elle est toute entière centrée sur le profit elle conditionne la femme à être à la fois consommatrice et produit de consommation… - Produit de consommation courante… Tout le monde a ri et Meissonnier a rougi en se demandant ce qu’il avait bien pu dire de si drôle… William gardait le regard obstinément fixé sur mes jambes… Je les ai lentement - très lentement - décroisées et recroisées… Encore plus haut…

 

 

 

- Alors plus une femme va avoir de personnalité et plus elle va se montrer capable de résister à la pression ambiante… Au fond le seul moyen qu’elle ait aujourd’hui de rester elle-même c’est de refuser de rentrer dans le jeu du sexe à tout va qu’on lui propose comme idéal… Scaronni a froncé les sourcils… - C’est bien la peine que tant de femmes aient lutté pour avoir la pleine maîtrise de leur corps et de leur désir… - Sans se rendre compte que c’était en définitive la pire des aliénations… - Ben voyons !… William m’a souri…

 

 

 

 

 

Sylvie Mercier a bondi… - Vous compliquez tout !… Vous compliquez toujours tout… Femme ou homme on n’est pas des animaux… On se respecte ou on ne se respecte pas… un point c’est tout…

 

 

 

William s’est levé… - Vous me faites chier… Vous me faites tous vraiment chier!… Si vous baisiez un peu plus - ou un peu mieux - vous seriez peut-être un peu moins cons… Je m’en vais, tiens !… Salut !…

 

 

 

Je l’ai raccompagné… Avant de refermer la porte sur lui j’ai relevé ma robe jusqu’au-dessus de la taille… 

 

 

 

 

 

 

C’était lui au téléphone… Tous les jours maintenant… - Alors ça y est !… - Quoi ?… - Stéphane est parti… - Vous savez vraiment tout, vous, hein !… Mais il est pas parti… C’est moi qui l’ai viré… - Je sais… C’est pas trop tôt… Depuis le temps que ça lui pendait au nez… - Comment je me sens bien !… Soulagée… Tellement soulagée… - J’ai vu !… Cette nuit que vous avez passée !… Toute entière dans le bonheur de vous… Mais pourquoi vous le faites plus ici à l’agence ?… C’est à cause de moi ?… Parce que, de toute façon, je suis toujours là, vous savez, quand vous le faites… Même ailleurs… J’étais là cette nuit… J’étais là dimanche, dans les bois, quand vous l’avez fait dans votre voiture… J’étais là mardi, chez vos parents, dans votre chambre de jeune fille… J’étais là jeudi, à midi, quand vous vous êtes réfugiée dans les toilettes du restaurant où vous avez vos habitudes… J’étais là le soir quand vous avez recommencé dans celles de la grande surface où vous faites ordinairement vos courses… Je suis là… Je serai toujours là… - Vous êtes le diable… C’est pas possible autrement…  - Non… Je suis ingénieur… Informaticien et électronicien…

 

 

 

 

 

 

Rien n’avait vraiment changé… A l’entrée le gardien nous a regardés passer, William et moi… Il ne nous a rien demandé… On a marché vers les vestiaires… Tout était désert… On a remonté le couloir… Presque jusqu’au bout… L’avant-dernière porte à gauche… Comme avant…

 

 

 

On est restés un long moment immobiles face à face… Et puis on a tiré un banc… On s’y est assis à califourchon les yeux dans les yeux… Longtemps…

 

 

 

Je suis allée sous ma robe… Je l’ai relevée… J’ai été nue… grande ouverte pour lui, abandonnée, béante… Il a sorti sa queue… Et on l’a fait… On s’est regardé le faire…  Bouton titillé, caressé, torturé à doigts avides, impatients, obstinés… Queue décalottée bien à fond… Bout laissé longuement à découvert, offert, à chaque va-et-vient…

 

 

 

Nous ne parlions pas… Nos regards se rencontraient, habités, intenses, se gardaient, se lâchaient pour retourner se poser en bas avec délectation, s’y attardaient… se reprenaient… se retrouvaient…

 

 

 

J’ai rentré deux doigts… Ses yeux se sont embrumés, assombris et il a giclé, éparpillé au hasard sur mes cuisses, sur ma robe, sur le banc… Je l’ai ramassé… Je m’en suis humectée, enduite, lissée pour gémir très doucement mon bonheur, la tête renversée en arrière, les paupières closes… Après on est restés un temps infini sans parler, sans bouger… Bien…

 

 

 

 

 

 

Le surlendemain les photos étaient au courrier… - Elles vous plaisent ?… Elles sont très réussies, non ?… - Oui… mais je voudrais vous demander quelque chose… William et moi on a décidé de se marier… en Octobre prochain… - Je sais… - Et on aimerait bien que vous soyez mon témoin…

Bonne journée à tous et à bientôt pour de nouveaux récits...

 

Mar 29 aoû 2006 1 commentaire
Sympa votre blog!

on aime bien les histoires coquines de ce genre...

Merci pour votre commentaire sur les seins de Susan laissé sur le site de "ma petite coquine"...

On va travailler à vous faire une petite contribution écrite, qu'en pensez vous?

N'hésitez pas à venir sur notre blog et laisser des commentaires!

Si vous vouliez mettre notre site dans vos lien, ce serait avec plaisir...

Susan et Mike
Mike - le 31/08/2006 à 13h39

Merci à vous d'avoir apprécié...

En ce qui concerne le lien c'est chose faite...

Quant à une contribution écrite d'accord sur le principe... (à charge de réciprocité?), mais le mieux c'est sans doute qu'on en parle en mail... Amicalement...

Fabien