Dimanche 5 octobre 7 05 /10 /Oct 20:31

Jeudi 1er juin 2034

 

C’est Iliona qui m’a annoncé la nouvelle ce matin sur le campus: Xadine – qui n’était pas en cours – et Manon ont perdu leurs bébés. Toutes les deux. Pratiquement en même temps. Et, apparemment, elles ne sont pas les seules dans leur cas. Ce qui soulève un certain nombre de questions parce que, bizarrement, toutes celles – mais ça demande quand même confirmation – chez qui surviennent ces avortements spontanés attendaient des garçons. Serait-ce encore LE virus qui s’attaquerait désormais aux fœtus et aux seuls fœtus mâles ? Sachant que la contamination ne peut se faire que par l’intermédiaire des excréments d’insectes c’est assez peu vraisemblable. A moins qu’il soit en train de muter. Ou qu’il s’agisse d’un autre virus dont on ne sait encore strictement rien et qui n’a seulement pas été détecté. Les conversations vont bon train. On a pratiquement séché tous les cours de la matinée. Dans les cafés autour de la fac chacune y va de sa petite hypothèse et il se murmure avec de plus en plus d’insistance qu’on aurait pris la décision, en haut lieu, de limiter, autant que faire se peut, le nombre des naissances masculines tant la famine qui s’annonce devrait être ravageuse. Pour éviter les interminables polémiques et ne pas risquer une gigantesque levée de boucliers – qui ferait perdre un temps considérable – on aurait choisi d’agir le plus discrètement possible : on mettrait à profit les visites prénatales pour procéder, sous une forme ou sous une autre, à des interruptions de grossesse ciblées qu’on ferait passer pour de fâcheux incidents de parcours. L’objectif serait de ne plus laisser subsister, à terme, que trois ou quatre centres qui constitueraient de véritables réservoirs à sperme suffisants pour assurer le renouvellement de générations exclusivement féminines. Aux très rares exceptions indispensables près…

 

En attendant je me sens terriblement coupable d’avoir négligé Xadine et Manon comme je l’ai fait ces derniers temps. Quand j’étais mal, quand je sombrais, je n’avais pas le moindre scrupule à les solliciter tant et plus. Mais, dès que je n’ai plus eu besoin d’elles, je les ai superbement ignorées. Je suis d’autant plus inexcusable que, même si nous n’avons ni les mêmes horaires ni exactemement les mêmes cours, je pourrais, si je le voulais, consacrer au moins quelques minutes à Xadine de temps à autre. Elle doit avoir l’impression que je la fuis. Et se demander ce qu’elle a bien pu me faire, la pauvre !… Il faudrait – IL FAUT absolument – que je passe là-bas ce week end. D’autant que j’imagine qu’elles doivent être dans un état lamentable…

 

- On n’ira pas à la mer alors du coup?!… - On peut pas y aller toutes les semaines non plus… Valentine n’a pas insisté. Elle a fait contre mauvaise fortune bon cœur. Mais elle est profondément déçue…

 

 

 

 

22 heures 30

 

Comment ça s’explique toutes ces fausses couches ? Christopher n’en a pas la moindre idée… - J’en sais pas plus que vous… Mais sur le fond je trouve que c’est plutôt une bonne chose… - Une bonne chose !… - Ben oui, attends !… Parce que si c’est pour mener la même vie que celle que nous, les mecs, on mène ici depuis des mois vaut mieux qu’ils restent là où ils sont les pauvres gamins… Si on ne parvient pas à éradiquer le virus – ce dont je suis de plus en plus persuadé – on va leur offrir quoi comme perspectives d’avenir ?… Des années et des années à essayer d’imaginer, derrière des baies vitrées, ce que c’est que le soleil sur la peau, le vent dans les cheveux, les pieds dans une rivière ?… Ils feront quoi de leurs journées ?… Rien. Quand ils auront grandi, si… On les occupera à remplir les petites éprouvettes… Ils se branleront encore, encore et encore… Jusqu’à l’écoeurement… Sans avoir seulement jamais touché une chatte… Sans en avoir seulement jamais vu une « en vrai »… Sans jamais avoir été dedans… Est-ce que ça leur manquera ?… Sans doute pas : on ne regrette que ce qu’on a connu… Nous ça nous manque… Moi ça me manque… Tu peux pas savoir ce que je donnerais certains soirs pour serrer une femme contre moi, pour enfouir ma tête entre ses cuisses, pour la voir chavirer de bonheur dans mes bras. Eh bien non…  Non… On n’y a pas droit… Pour y avoir droit fallait être en couple avant… La seule chose qu’on nous demande à nous maintenant c’est de nous amuser à longueur de journée avec ce qu’on a entre les jambes pour produire suffisamment de la précieuse semence. Si tu savais ce qu’on ressent quand même ça c’est devenu une corvée !…

 

 

 

 

Dimanche 4 juin 2034

 

J’ai passé la journée d’hier avec Xadine et Manon. J’aurais bien mieux fait de partir retrouver Serane à la mer avec Valentine. Parce qu’elles n’avaient absolument pas besoin de moi. Elles affichent toujours ce même air de contentement béat. Comme s’il fallait absolument qu’elles proclament haut et fort que, quoi qu’il arrive, quoi qui se passe, rien jamais ne peut les atteindre. Et qu’elles n’ont besoin de personne. Qu’un ineffable et permanent tête à tête avec elles-mêmes suffit à leur bonheur. Je le saurai. Et je ne suis pas près de remettre les pieds là-bas…

Par Fabien - Publié dans : 2034
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