Vendredi 18 août 5 18 /08 /Août 08:46

Un conte... Juste un conte... Seulement un conte...

 

L E     V A L E T

 

 

 

 

 

 

 

Le même pas feutré et la porte presque aussitôt rouverte… Il s’incline cérémonieux, impassible, indéchiffrable… - Madame s’est donc ravisée ?… Il l’invite à entrer, main ouverte, tendue… Elle avance de quelques pas sur les volutes entrelacées du tapis, s’arrête près du fauteuil de velours rouge, hésite… Il sourit imperturbablement… Les volutes s’entrecroisent et se perdent à l’infini… Rouges… Bleues… Vertes… - Il faut dire que Madame n’avait pas vraiment le choix… Au-delà du tapis s’enfuient les lattes vernies du parquet… - Je suppose qu’il est inutile de rappeler à Madame les conditions de Monsieur ?… Elle fait signe que non… Non… Non… Inutile… - Bien… Il est là sans doute, de l’autre côté, derrière la porte à moulures lambrissées grise…     - Monsieur m’a chargé de mettre moi-même Madame dans la tenue où il souhaite la recevoir… Le salaud !… Quel salaud !… Il se penche, crâne dégarni, épaules écrasées, saisit le bas de la robe, relève… Elle rabat… Une fois… Deux fois… - Que Madame se montre donc raisonnable !… Deux tableaux se font face, dans leurs cadres dorés, représentant l’un - elle lève les bras - un paysage de neige à l’infini et l’autre - il remet les manches à l’endroit, l’étale soigneusement sur le fauteuil, lisse un pli du plat de la main - un bâtiment de ferme avec quelques minuscules silhouettes dans les champs en arrière-plan… Il dégrafe le soutien-gorge… Sur la cheminée une horloge dorée enluminée d’angelots qui voltigent en tendant des couronnes de lauriers à bout de bras… Il pose les mains des deux côtés sur ses hanches… Il les glisse sous l’élastique de la culotte… - Non !… D’un brusque bond en arrière elle lui échappe… - Ce n’est pas vraiment dans l’intérêt de Madame… Il a l’air sincèrement désolé… - Que Madame pense à… Elle renonce… Elle revient…Il la descend… Dans la bibliothèque juste en face les livres à tranches vert empire sont soigneusement alignés… Jusqu’aux chevilles… Elle lève une jambe… l’autre…   - Les chaussures maintenant… Tout… Il a dit tout…

 

 

 

 

 

Le couloir est sombre et étroit… Les lattes du plancher collent légèrement sous la plante des pieds… La lumière est brutale soudain, aveuglante… - C’est cette dame que Monsieur attend… - Fais entrer, Bastien, fais entrer !… Il s’efface, s’incline, referme la porte…

 

 

 

Monsieur n’a pas levé les yeux… Il écrit… Il ne lève pas les yeux… Il est jeune… Très… Tellement jeune… Elle tousse… Une immense baie vitrée, le parement d’un balcon, des toits, des murs, un bout d’avenue… Elle tousse… La pièce est immense et claire… Il lève enfin la tête, la regarde… De haut en bas… De bas en haut… Il continue à écrire, ouvre un dossier, le referme… - J’ai fait le nécessaire… Tout sera rentré dans l’ordre en temps voulu… Il recule sa chaise… - A condition… A condition bien entendu que notre contrat soit très scrupuleusement respecté… Evidemment… Il contourne le bureau… - D’autant plus scrupuleusement qu’il s’agit d’une somme considérable… J’espère que vous avez conscience de l’effort que cela représente pour moi… Sa main sous son coude… Fermement… - Venez vous asseoir… Là… Asseyez-vous !… Il sonne, s’installe, jambes croisées, face à elle… Il se tait… Ils se taisent…

 

 

 

Silencieuse, la jeune servante dépose le plateau entre eux sur la table basse… Sans un mot… Sans un regard… - Merci, Jeanne… Vous avez vraiment beaucoup de chance que ce soit Lambert qui ait découvert le pot aux roses… Un autre que lui… Lait ou citron ?… Lambert est un comptable hors pair qui trouve toujours une solution… Quelle que soit la situation… La preuve !… Penchée presque à l’horizontale, une main ramenée sur la poitrine pour empêcher la robe de bailler, Jeanne verse le thé… - Sans lui - sans moi - vous seriez dans de sacrés beaux draps… Enquête… Scandale… Vous ne vous en releviez pas… Et votre mari… Jeanne lui tend sa tasse… - Merci… Et puis à lui… - Merci, Jeanne… Elle se redresse… s’éloigne à pas feutrés…

 

 

 

Ils boivent… A petites gorgées lentes… Non, mais franchement - entre nous - qu’est-ce qui a bien pu vous passer par la tête ?… Vous êtes financièrement à l’aise… Votre mari occupe une situation en vue… Vous êtes une femme respectable… Insoupçonnable… On vous confie en toute tranquillité la trésorerie d’une importante association charitable… Et vous vous servez allègrement dans la caisse… Ce n’est pas par nécessité… Alors ?… C’est quoi ?… Le plaisir de jouer avec le feu ?… De tenter le diable ?… De rouler tout le monde dans la farine ?… D’être finalement une autre que celle que tout le monde croit que vous êtes ?… Par la fenêtre un avion - point brillant - dessine une longue ligne blanche… Il n’insiste pas… Il se lève, se dirige vers les étagères de bois doré contre la cloison… Il lui tourne le dos… La musique s’élance… gonfle…emplit la pièce… - Liszt… - Liszt, oui !… - Il était au programme du conservatoire l’année où… - Où ?… - Non… Rien… Liszt… Jusqu’au bout…

 

 

 

- Venez !… Une autre pièce… Aussi claire et spacieuse que la première… Il soulève le couvercle du piano… avance le tabouret… l’invite à prendre place… - Il y a si longtemps… Je sais plus… Je saurai plus… Elle enfonce une touche… une autre… d’autres… une à une… en pluie… Ses mains se font pressantes, insistantes sur ses épaules… la forcent à s’asseoir… Il ouvre la partition devant elle… Dans ses doigts ce sont exactement les mêmes fourmillements qu’avant… la même envie… le même désir… Une première tentative presque aussitôt abandonnée… Une seconde… Et tout revient d’un coup… Léger… Fluide… Evident… Le même plaisir… Le même bonheur… Ils se sourient… Elle se lève… Il la raccompagne jusqu’à l’entrée du couloir, lui baise la main… - A demain… Le valet est là qui l’attend…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Madame fait déjà beaucoup moins de difficultés on dirait… Madame a bien raison… Ca l’avancerait à quoi ?… Il la déshabille… Méthodiquement… Consciencieusement… Cela fait partie de ses attributions… Il ne laisse rien paraître de ce qu’il peut éprouver… Il ne s’autorise sans doute pas à éprouver quoi que ce soit…         - Monsieur a trouvé Madame très à son goût… « Tu as vu ce cul, Bastien ?… Et ces nichons !… Jamais tu lui donnerais 50 ans !… Jamais… Ah non, je regrette pas… Elle me coûte cher… très cher… mais je regrette pas… »… Il dépose la culotte bien à plat sur le tas des vêtements… - Mais, si je peux me permettre de donner un conseil à Madame… Il la fait passer devant lui dans le couloir…    - Monsieur est maître du jeu… Il peut faire venir Madame aussi longtemps qu’il lui plaira… Et il la fera venir aussi longtemps qu’il n’en aura pas eu pour son argent… Alors… si Madame ne veut pas que cette situation s’éternise Madame devrait se résoudre à montrer davantage à Monsieur… Le plus possible… avec Monsieur Madame est beaucoup trop pudique… beaucoup trop refermée… 

 

 

 

- Vous ne m’avez toujours pas dit… Jeanne leur sert le thé… Avec les mêmes gestes immuables… Jeanne lui tend sa tasse en la fixant d’un regard qui ne la voit pas… Jeanne s’éloigne… - Oui… Vous ne m’avez toujours pas dit ce qui vous avait poussée à détourner des sommes aussi considérables… - Oh, vous avez vu juste… L’ennui… Parce que ma vie… On me jalouse : j’ai tout pour être heureuse… Si on savait !… Et je n’ai même pas la ressource d’incriminer qui que ce soit : tout est ma faute… Quand on renonce à ses rêves… - Le piano ?… - Le piano, oui !… - Mais vous avez fait quoi de tout cet argent ?… Vous n’en aviez pas besoin…       - J’ai… J’ai aidé quelqu’un… J’aide quelqu’un… Qui les vit ses rêves… Qui n’existe que pour eux… Qu’à travers eux… Qui les réalisera ses rêves… J’en suis sûre… Grâce à moi… Quoi qu’ils doivent me coûter… Il faut qu’ils me coûtent… Le plus possible… Il faut… Pour qu’il les réalise…

 

 

 

- On passe à côté ?… Au piano… Elle s’assied… Elle joue… Plus rien d’autre ne compte… Plus rien d’autre n’a d’importance… Elle joue… Il tourne les pages au fur et à mesure… Elle joue… Elle joue enfin… Elle joue encore… Encore… Encore… Elle est heureuse… Elle s’arrête… Une salve d’applaudissements éclate derrière elle… Il la fait lever, se tourner, saluer… Bastien… Jeanne… Le chauffeur en livrée… La cuisinière… Le jardinier… Elle salue…

 

 

 

- Monsieur a demandé que demain Madame se présente avec la chatte rasée… Il lui tend un à un ses vêtements… - Que Madame n’oublie pas… Monsieur y tient beaucoup… Il lui ouvre la porte sur le palier, s’incline…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Ca va très bien à Madame… Vraiment très bien… Monsieur sera content… Il va beaucoup apprécier… Il la précède dans le couloir… - Entrez… Monsieur sera un peu en retard aujourd’hui… Venez… Jusqu’au milieu de la pièce… Il la fait s’agenouiller, se prosterner front contre sol, la croupe en l’air… C’est comme ça que Monsieur veut découvrir Madame tout à l’heure… Il s’éloigne… - J’avais prévenu Madame… Madame n’a pas assez montré…

 

 

 

Elle attend… Elle ne bouge pas… Son corps s’engourdit… Elle a des crampes dans les bras, dans les cuisses… Elle ne bouge pas… Longtemps… la porte… Une odeur de tabac… On l’attrape par les cheveux… On l’oblige à relever la tête… - Fais-toi voir, toi !… Ouais !… D’habitude il les préfère nettement plus jeunes… Et moins bien en chair… De toute façon je le comprendrai jamais… Je suis sa mère, mais je le comprends pas… Parce qu’il est beau garçon on peut pas dire le contraire… Il est jeune… Il pourrait avoir toutes les filles qu’il veut… Eh ben non… il y a que les putes qui l’intéressent… Des sommes colossales il passe là-dedans… Tant mieux pour toi, remarque !… Il faut bien que tout le monde gagne sa vie… Même si… ça doit pas être drôle tous les jours pour vous parce qu’il est vraiment tordu… c’est rien de le dire… Non, mais ces idées qu’il peut avoir des fois !… Si tu savais !… Un jour il avait quoi ?… Tout juste 15 ans et… Tiens, le voilà justement… Je te le laisse…

 

 

 

Jeanne… Le thé… Comme d’habitude… - Et c’est quoi ces rêves que vous tenez tant à le voir réaliser ?… - Ce sont les siens et je n’ai pas le droit de… - Vous êtes sûre qu’ils tiennent vraiment la route au moins ?… - Je ne sais pas… C’est un domaine que je ne connais pas… Mais ce n’est pas ça l’essentiel… L’essentiel c’est que ses rêves le portent… C’est qu’ils soient sa raison de vivre… C’est que rien d’autre ne compte pour lui… - Et vous êtes sûre qu’ils nécessitent des sommes aussi considérables ?… Qu’il ne les utilise pas pour autre chose ?… Pour faire la fête avec ses copains par exemple ?… Elle le regarde droit dans les yeux… - Je suis prête à en prendre le risque… Il sourit… - Il baise bien au moins ?…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il la déshabille… Toujours selon le même rituel dont il ne s’écarte pas d’un iota… - Par ici !… Si Madame veut bien se donner la peine… Par l’autre porte… Une autre plus loin… - Aujourd’hui Monsieur reçoit et Monsieur a décidé que Madame ferait le service… Un escalier qui descend à l’office… Jeanne… Jeanne qui la laisse faire… Jeanne qui lui montre… - Là tu as le plateau… là les tasses… là les cuillers… N’oublie pas le lait… Ni le citron… Et ébouillante bien la théière… Sinon… Là… C’est bon… Tu peux y aller… C’est par là… Attention !… Oh là là… T’as vraiment pas l’habitude, dis donc !…

 

 

 

Deux couples… Très jeunes… De son âge… Et lui… Elle les sert… L’un après l’autre… Ils poursuivent leur conversation… Comme si de rien n’était… Elle est transparente… Ils ne la voient pas…            - Merci, Bénédicte !… Tenez, allez donc servir une collation au personnel… Il l’a bien méritée…

 

 

 

Ils sont tous réunis autour de la table de l’office… Ils l’attendent… Bastien… Jeanne… Le chauffeur… Le jardinier… La cuisinière… Le chauffeur a pris Jeanne sur ses genoux… Il essaie d’introduire dans son corsage une main qu’elle repousse en gloussant… Elle refait les mêmes gestes que tout à l’heure… Assis à califourchon sur le banc, le jardinier lui pince les fesses chaque fois qu’elle passe à sa portée… - Comment tu dois être bonne, toi !… Non, mais comment tu dois être bonne !… Elle ne dit rien… Elle ne proteste pas… Elle les sert…

 

 

 

- Voilà… Elle vient de renfiler sa robe… - C’est fini… C’était la dernière fois… Monsieur estime que Madame a épongé sa dette… A titre personnel - et si Madame le permet - je dois dire à Madame que je vais infiniment le regretter… Il lui ouvre la porte… Il s’incline…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle sonne… Les pas sur le tapis se font attendre… surgissent enfin, familiers, rassurants…                    - Madame ?… Madame désire ?… Elle ne répond pas… Il reste impassible… - Mais c’est que Madame aurait pris goût à la chose ?… Je comprends Madame… Je vais voir si Monsieur peut recevoir Madame… Elle fixe les volutes du tapis… Il revient… - Si Madame veut bien se tourner… Et, d’un geste précis et sûr, il descend la fermeture éclair de la robe jusqu’au bas du dos…

 

Par François - Publié dans : regards.croises
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