Dimanche 12 novembre 7 12 /11 /Nov 18:39

Et pendant ce temps-là Elodie continue imperturbablement à adresser lettre sur lettre au correspondant auquel elle n'a toujours pas dévoilé son identité...

Cher ami,

 

           

 

            J’ai reçu une lettre adorable de Jérôme et de Sébastien¼ Dix longues pages où ils me racontent ce qu’ils font¼ leur bonheur¼ leur plaisir¼ Dix longues pages qui m’ont donné envie¼ Tellement¼ Envie d’eux¼ Envie d’être avec eux¼ Envie de ce qui n’est qu’à nous¼ Ce sont des amours¼ Et je n’apprécie peut-être pas toujours à sa juste valeur la chance que j’ai de les avoir rencontrés et qu’ils soient si inextricablement noués à ma vie¼ Ils se proposent de faire un saut jusqu’ici la semaine prochaine¼ Ce n’est évidemment pas possible¼ Et je n’en peux plus¼ Toujours être obligée de compter avec elle¼ Ses préjugés à elle¼ Ses petites conceptions étriquées à elle¼ J’étouffe¼ Jusqu’à quand est-ce qu’elle va diriger ma vie comme ça ?¼ Jusqu’à quand ?¼ Jusqu’à ce que¼ Oui¼ Je sais¼ Je sais¼ Merci¼ Vous allez pas vous y mettre, vous aussi !?

 

 

 

            A chaque pas ici je rencontre mes souvenirs¼ On ne peut pas avoir passé toutes ses vacances, depuis toujours, au même endroit sans qu’ils vous surgissent constamment de partout¼ Hier je suis allée me promener sur le port¼ C’est là que j’ai rencontré Pierre qui allait devenir - pour trois si courtes et si longues années - mon mari¼ J’avais 27 ans¼ Il en avait 20 de plus et il avait décidé que ce serait moi¼ Sans même me demander mon avis¼ Mon avis ne l’intéressait pas¼ Mon avis n’avait pas - n’avait jamais eu pour qui que ce soit - la moindre importance¼ Je l’ai laissé faire¼ Ca m’était égal¼ Tout m’était égal¼ Une seule chose m’importait : il allait m’emmener¼ Loin d’eux¼ J’allais enfin leur échapper¼ Je ne leur ai pas échappé¼ Il était dit que je ne pourrais jamais leur échapper¼ On s’est mariés¼ Et on a passé le plus clair de notre temps avec eux¼ Il s’entendait à merveille avec mon père dont il chantait à tout propos les louanges¼ mon père qui le portait aux nues¼ Ils passaient des heures et des heures tous les deux en inépuisables et ennuyeuses conversations qui se prolongeaient jusqu’au cœur de la nuit¼ Je me sentais exclue¼ Je l’étais¼ Ma mère s’extasiait : - Mais qu’est-ce qu’il peut bien te trouver ?¼ Un homme aussi extraordinaire¼ Qu’est-ce que tu lui as fait ?¼

 

 

 

            Chez « nous » on recevait¼ Presque tous les soirs¼ Des économistes¼ Des juristes¼ Des sommités¼ Tout un tas de gens qui s’écoutaient parler¼ Qui se prenaient au sérieux¼ Qui pontifiaient¼ Qui m’exaspéraient¼ Qui m’ignoraient¼ Alors un soir je n’y ai plus tenu¼ Je me suis engouffrée dans une inhabituelle brèche de silence et je les ai imités¼ parodiés¼ Leurs tons¼ Leurs tics¼ Leurs mimiques¼ Leur suffisance¼ Leurs mots¼ Je m’en donnais à cœur joie¼ L’attention générale s’était concentrée sur moi, ébahie, stupéfaite, réprobatrice¼ Pierre s’est levé, m’a prise par le bras¼ Je ne me suis pas interrompue¼ Il m’a entraînée dans l’escalier, menée jusqu’à notre chambre¼ Il a refermé la porte sur nous¼ Il m’a jetée sur le lit¼ Il m’a déculottée et il m’a flanqué une fessée¼ Une monumentale fessée¼ Qui m’a fait pleurer, hurler, supplier¼ Il a été sans pitié¼    - Et maintenant tu vas descendre leur présenter tes excuses¼ Je l’ai fait¼

 

 

 

            Le lendemain, à la première heure, j’étais chez ma mère¼ - Je divorce¼      - Ah !¼ Ca faisait longtemps !¼ Ca faisait longtemps que t’avais pas eu une de tes idées lumineuses¼ Tu divorces¼ Voilà autre chose¼ Et on peut savoir pourquoi ?¼ - Il me bat¼ - Il te bat ?!¼ Comment ça il te bat ?¼ Il a bien fallu que je lui dise¼ - Une fessée ?!¼ Et pourquoi ?¼ Hein, pourquoi ?¼ Il y avait bien une raison¼ Tu vois, tu dis rien¼ Faut croire que tu l’avais cherché¼ Que t’avais encore fait des tiennes¼ Quand on te connaît¼ Et quand on le connaît, lui¼ On le voit mal en train de¼ - Maman !¼ Mais j’ai 28 ans !¼ Et alors ?¼ Qu’est-ce que ça change ?¼ Tu as vingt-huit ans, oui !¼ Et tu continues à te comporter comme si tu en avais 12¼ La preuve !¼ Tu as un mari exceptionnel¼ Une crème¼ Que tout le monde t’envie¼ Et tu trouves rien de mieux à faire que de le pousser à bout¼ Et le pire c’est que tu veux encore avoir raison¼ Il faut toujours que t’aies raison¼ Au lieu d’incriminer systématiquement les autres tu ferais beaucoup mieux de te remettre un peu en question de temps en temps et de te demander si par hasard¼ - On peut pas discuter avec toi¼ C’est pas la peine¼ On peut jamais discuter avec toi¼

 

 

 

            Mais ça avait fait mouche : j’avais tellement pris l’habitude depuis toujours de me sentir fautive de tout ce qu’on avait décidé de me reprocher, de traverser l’existence en perpétuelle coupable, de vouloir être, sans jamais y parvenir vraiment, le plus idéalement possible conforme à ce qu’on attendait de moi qu’il ne m’a pas été bien difficile de leur donner raison¼ Puisqu’ils étaient tous contre moi c’était bien que - une fois de plus - ça venait de moi¼ Tout venait toujours de moi¼ C’était évident¼ Et j’ai fini, torturée de remords, par aller demander pardon à Pierre pour mon comportement de cette soirée, par m’abaisser à aller lui demander pardon¼ Il a tout balayé d’un revers de manche¼ - L’incident est clos¼

 

           

 

            Celui-là, oui !¼ Mais j’avais donné prise sur moi¼ J’avais cautionné¼ Je m’étais exposée à me retrouver inéluctablement un jour ou l’autre dans la même situation¼ Ce qui n’a pas manqué de se produire quelques semaines plus tard : je n’ai jamais pu me passer des plaisirs solitaires¼ Ils font partie de moi, de ma vie¼ J’éprouve à susciter mes images, à leur donner corps une ineffable et incomparable délectation¼ Là, plus qu’ailleurs, je vis¼ C’est un sujet que je n’avais jamais osé aborder avec Pierre¼ Je pressentais trop bien quel jugement résolument négatif il aurait porté sur mes pratiques et comme il se serait senti blessé dans sa fierté de mâle¼ Est-ce qu’il ne devait pas être le seul habilité à me donner mon plaisir ?¼ Alors je m’offrais à moi-même un secret¼ Quand j’étais sûre d’être seule, de ne pas courir le risque d’être surprise¼ Seulement évidemment, un jour ou l’autre, ça devait arriver¼ Forcément¼ Il venait de partir¼ Pour tout l’après-midi¼ Je me suis confortablement installée sur le canapé du salon¼ Je me suis sollicitée¼ J’ai pris mon essor¼ mon envol¼ Je ne l’ai pas entendu arriver¼ Il a surgi juste au moment où j’allais m’aprocher du bonheur¼ Il n’a pas dit un mot¼ Il a marché droit sur moi, le visage dur, fermé¼ Il m’a relevé les jambes vers la poitrine, il les y a maintenues et, de l’autre main, il m’a fessée dans cette humiliante position¼ Et il est reparti comme il était venu¼ De cet après-midi-là nous n’avons jamais reparlé ni l’un ni l’autre¼

 

 

 

            Il y a eu encore d’autres fessées¼ Pour les motifs les plus divers¼ Qui m’habitaient longtemps¼ Les premiers jours je ne pouvais penser qu’à ça¼ Avec rage¼ Avec honte¼ Avec désespoir¼ Avec impuissance¼ Avec rancœur¼ Je lui en voulais¼ Comme je lui en voulais¼ Je rêvais de vengeances dont je m’offrais intérieurement le spectacle délicieux¼ Je décidais irrévocablement de partir¼ Loin¼ N’importe où¼ Le plus loin possible¼ Et puis, peu à peu, mon état d’esprit se transformait insensiblement¼ Je commençais à m’interroger¼ A me demander si Pierre n’avait pas eu malgré tout un tout petit peu raison¼ Je n’étais pas toute blanche moi non plus¼ On pouvait au moins le comprendre¼ Si je n’avais pas¼ Je lui donnais raison¼ De plus en plus raison¼ C’était ma faute¼ Complètement ma faute¼ Et je m’en voulais¼ Et je m’en voulais d’être incapable de ne pas m’en vouloir¼ Et d’entrer toujours systématiquement, quoi qu’il arrive, dans le rôle de la coupable¼ A nouveau j’étais en rage¼ Mais contre moi-même cette fois¼

 

           

 

            Et puis¼ Ce matin-l༠C’était les Vacances¼ C’était ici¼ On déjeunait tous les quatre sur la terrasse, dans le soleil¼ Pierre et mon père s’étaient lancés, comme à leur habitude, dans une discussion à n’en plus finir¼ La journée s’annonçait particulièrement chaude et je m’étais habillée extrêmement léger¼ - Tu comptes sortir comme ça ?¼ - Ben oui¼ Pourquoi ?¼ - On est honorablement connus ici, Elodie, ton père et moi, et je ne tiens pas à ce qu’on aille raconter partout que ma fille se promène dans la rue attifée comme une¼ - Mais j’en ai rien à foutre des gens¼ Ils pensent ce qu’ils veulent¼ - T’en as peut-être rien à foutre comme tu dis, mais moi, si !¼ Alors tu vas me faire le plaisir d’aller passer quelque chose de décent¼ - Oh, ça va pas recommencer, écoute !¼ J’ai 30 ans et je sais ce que j’ai à faire¼ Alors tu me lâches¼ - Non, mais t’as vu comment tu me parles ?¼ - Tu m’emmerdes !¼ Tu m’emmerdes vraiment cette fois !¼ Pierre m’a fixée droit dans les yeux¼ - Présente immédiatement tes excuses à ta mère¼ - Oui, ben alors là sûrement pas !¼ J’en ai marre, mais vraiment marre¼ Il s’est lentement levé¼ j’ai tout de suite compris¼ - Ah non, hein !¼ Non !¼ Et pour la première fois je me suis débattue¼ J’ai résisté bec et ongles¼ Aussi longtemps et du mieux que j’ai pu¼ J’ai dû finir par m’avouer vaincue¼ Et il m’a fessée devant eux avec une vigueur jusque là inégalée¼ Quand il m’a relâchée hoquetante et sanglotante ma mère a conclu : - Celle-là au moins tu l’auras pas volée¼

 

 

 

            C’est le lendemain que j’ai appelé l’avocat pour entamer une procédure de divorce¼

 

 

 

            Bon, mais dites-moi¼ Vous n’en avez pas assez de m’écouter m’épancher comme ça à longueur de pages ?¼ Sûrement, si !¼ Mais vous ne pouvez pas protester¼ Je vous ai réduit au silence¼ Alors tant pis pour vous¼ Maintenant que vous m’avez obligée à descendre brasser et remuer tout ça il va falloir que vous me supportiez jusqu’au bout¼ Jusqu’à ce que je sois allée au fond¼

 

           

 

            Vous savez que je pense de plus en plus sérieusement à vous dévoiler mon identité pour que vous puissiez me répondre¼ Plus j’avance dans les confidences avec vous et plus ça me semble devenir indispensable¼ Mais plus aussi ça devient impossible¼ En même temps¼ Vous comprenez ?

 

           

 

            Je vous embrasse¼                                                           E L O D I E

 

 

 

Par François - Publié dans : petites annonces
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Commentaires

est ce une vraie vie ou une pure fiction , là est la question comme d'habitude !!! Sam
commentaire n° :1 posté par : sam le: 13/11/2006 à 14h30
Comme d'habitude, Sam, en effet!... Mais réalité et fiction ne sont-elles pas souvent étroitement emmêlées?... Dans le cas présent cette correspondance " imaginaire" est née de longs échanges que j'ai eus - à l'époque archaïque du minitel - avec une femme de 42 ans qui était totalement sous l'emprise de sa mère et qui, à l'abri de l'anonymat, pouvait dire ce qu'elle avait sur le coeur... Ce qu'elle m'a raconté était bien "pire"que ce que j'en ai fait ici... J'ai simplement voulu restituer l'atmosphère générale qui se dégageait de ses confidences, à ma façon à moi, sans prétendre à la "vérité historique"... Voilà... A bientôt.. Amicalement...  
réponse de : François le: 14/11/2006 à 22h13

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