Dimanche 6 juillet 7 06 /07 /Juil 20:36

Lundi 9 Janvier 2034

 

On ne s’y fait pas. On s’attend à les voir surgir à tout moment. Au café. Ou sur le campus. Ils vont nous sourire… «  – Ca va comme vous voulez, les filles ? » S’attabler avec nous. Et tout va reprendre comme avant. Ils ne viennent évidemment pas. On essaie de parler d’autre chose. De penser à autre chose. On ne peut pas. C’est toujours là. Ca occupe toute la place. Partout. Tout le temps. Plus rien d’autre ne compte. Plus rien d’autre n’a d’importance. Il se dit tout. Et le contraire de tout. On prétend que l’épidémie serait partie de Suède où un savant fou aurait sciemment contaminé les réserves d’eau potable pour se venger de son chef de service. Une rumeur persistante en impute au contraire la responsabilité à un groupe de femmes « Les Walkyries sanglantes » qui se serait juré de libérer la planète de toute présence masculine. D’autres y voient la main d’extra-terrestres qui, dans l’intention avouée d’améliorer l’espèce humaine, se débarrasseraient de concurrents gênants et inutiles avant de venir eux-mêmes féconder les terriennes. Celles qui affirment les avoir vus – de leurs yeux vus – assurent qu’ils sont merveilleusement beaux, supérieurement intelligents et extraordinairement séduisants. Ben voyons !… Il se dit aussi que le virus est en pleine mutation – ce qu’on nous cacherait soigneusement – et que, dans les semaines qui viennent, ce sont les femmes qu’il va à leur tout frapper. Personne ne sait rien, mais tout le monde parle.

 

Le gouvernement, lui, agit : tous les individus de sexe masculin vivants sont invités à se faire connaître, dans les plus brefs délais, par téléphone, aux autorités compétentes. Ils seront immédiatement soumis, à leur domicile, à un test de dépistage désormais disponible. Et fiable. Les hommes contaminés seront hospitalisés dans des strutures spéciales. Quant aux autres, les « intacts », ils seront transportés en ambulances stériles et regroupés dans des centres où ils seront coupés de tout contact avec l’extérieur. Dans, à l’évidence, leur intérêt. Comme quoi les survivants ne doivent vraiment pas être nombreux. Sinon une telle opération serait techniquement impossible.

 

 

 

 

Mercredi 11  Janvier 2034

 

On passe beaucoup de temps au café. On a besoin les unes des autres. Pour se rassurer. Pour pouvoir évoquer encore et encore la vie d’avant. Ce n’est pas forcément ce qu’on fait de mieux. Parce qu’on s’entretient mutuellement dans la tristesse et la nostalgie. Parce que, quand on envisage l’avenir, c’est toujours systématiquement sous les couleurs les plus sombres. On ne rit plus. On ne plaisante plus. On sèche pratiquement tous les cours.

 

On a changé. On a toutes profondément changé. Iliona, toujours si pimpante avant, se néglige. Elle ne se maquille plus, ne se coiffe plus, ne prête plus la moindre attention à ses vêtements. – A quoi bon maintenant ?… - Mais tu disais que c’était pas pour le regard des autres que tu te faisais belle, que c’était pour toi … - Oui, oh, ce qu’on dit… Xadine s’est  tournée vers la religion. Elle passe ses soirées à étudier les enseignements d’un mystique slovène qui, paraît-il, avait très exactement prédit, il y a plus de vingt ans, ce qui se passe aujourd’hui… - Dans les moindres détails, vous verriez ça, c’est hallucinant… Zanella, elle, donne dans le cynisme… - Il y a plus de mecs ? Et alors ? Qu’est-ce qu’on en a à foutre ? Pour ce qu’ils sont intéressants ! Non, le vrai problème c’est qu’il y a plus la moindre bite à l’horizon pour aller s’asseoir dessus…

 

Heureusement j’ai Monelle. Monelle, c’est mon amie. Depuis la maternelle. Autant dire depuis toujours. On partage tout. On se confie tout. Transparentes l’une à l’autre. Même quand nos routes ont divergé – elle n’avait pas spécialement de goût pour les études – on est restées main dans la main. A rêver ensemble tout haut. On est tombées amoureuses à quelques jours de distance. Ca nous a rapprochées un peu plus encore. On était heureuses. Chacune de son bonheur. Et de celui de l’autre. Elle l’a moins été : Noë n’était pas celui qu’elle avait toujours espéré. Elle ne l’a plus été. Plus du tout. Quand tout ça a commencé elle avait rompu depuis plusieurs semaines. Moi non. Parfois je l’envie…

 

 

 

Vendredi 13 Janvier 2034

 

Je passe le plus clair de mes journées à appréhender le soir quand je vais me retrouver désespérément seule dans notre grande maison. J’y trébuche sur des souvenirs partout. Je m’interdis d’entrer dans la chambre de mes frères, dans celle de mon père. Ils sont là quand même. Dans le séjour. Dans la cuisine. Sur la terrasse. Nos années y sont enchevêtrées les unes aux autres. J’entends leurs voix. J’entends leurs rires. Ils sont là. Silien va pousser la porte, se jeter sur moi, m’entraîner jusqu’au canapé et me chatouiller sous la plante des pieds… - Arrête !… Non, arrête !… Pouce !… Je joue plus… Ils vont rentrer. Ils vont tous rentrer, me prendre dans leurs bras… - C’était un mauvais rêve. Un cauchemar. Réveille-toi !…

 

Ce n’est pas un rêve. Je claque la porte. Je m’enfuis. Dans les rues. Au hasard. Tout essaie d’y être normal. Il y a des lumières. Des voitures. Des femmes vont et viennent sur les trottoirs, traversent . Des femmes. Que des femmes. Pas d’homme. Jamais. Dans les cafés non plus. J’y passe une heure . Quelquefois deux. Je rentre. Le plus lentement possible.

 

C’est quand je suis enfin couchée que Kerwan me rejoint. Je me blottis contre lui. Kerwan !… On allait prendre un appartement ensemble en septembre. Encore deux ans et il aurait fini ses études de médecine. On avait tant de projets pour après. Il n’y aura jamais d’après.

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Jeudi 3 juillet 4 03 /07 /Juil 06:25

Lundi 2 Janvier 2034

 

Il n’y a pas eu cours aujourd’hui. Personne n’aurait eu, de toute façon, le cœur à ça. C’est une hécatombe, une épouvantable hécatombe. On n’a plus ni pères, ni frères, ni oncles, ni amoureux, ni amis, ni copains. Il n’y a plus d’hommes. Ils tombent malades les uns après les autres. En deux jours – trois maximum – cette saloperie de virus les emporte. Eux.  Et uniquement eux. A la fac, sur huit cents filles, quatre seulement en comptent encore dans leur entourage. Ils se terrent chez eux dans l’espoir d’échapper à l’impitoyable contamination. A tout hasard. Parce qu’on ne sait rien des modes de transmission… La seule chose qu’on sache – qu’on soupçonne – c’est que le chromosome Y est probablement impliqué. On s’en serait douté… Les scientifiques – dans le contexte actuel exclusivement des femmes – répètent sur tous les tons qu’elles cherchent, qu’elles y consacrent tout leur temps et toute leur énergie. Ca coule de source. Et qu’elles sont sur le point de trouver, que d’ici quelques semaines on devrait disposer d’un traitement efficace. Ca, personne n’y croit. Et, de toute façon, il sera trop tard.

 

Les politiques sont désemparés. On a dû procéder en catastrophe, juste avant Noël, à un remaniement ministériel radical. Un gouvernement composé, par la force des choses, tous partis confondus, uniquement de femmes. De femmes d’exception. Il fallait qu’elles le soient pour faire face à une situation aussi dramatique. Elles la gèrent au mieux. On ne manque de rien. Tout fonctionne « normalement ». Mais elles ne peuvent évidemment  pas faire que ce qui est ne soit pas.

 

Je suis devenue un monstre d’insensibilité. Quand mon père est mort j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Quand Kerwan est mort aussi. Et Lucas. Et Silien. Et puis plus rien. On mourait autour de moi. On continuait à mourir à tour de bras. Ca ne m’atteignait plus. Je m’en fichais. J’étais ailleurs. Je suis encore ailleurs. Indifférente à tout. D’après Iliona – et ses livres de psycho – c’est une réaction parfaitement normale, un système de défense qui se met spontanément en place quand on est confronté à l’insupportable : ça  évite de sombrer dans la folie. Mais, du coup, je ne suis plus moi. C’est une étrangère qui m’habite. Et qui m’effraie horriblement…

 

 

 

 

Jeudi 5 Janvier 2034

 

Je n’ai plus de famille. Ou si peu. Ma grand mère… J’ai passé les vacances de Noël avec elle. Elle n’a aucune conscience de la gravité de la situation… Elle répète, sur tous les tons, que, par le passé, des millions d’hommes sont tombés sur les champs de bataille et que la nature a toujours compensé. « - Il naît de toute façon beaucoup plus de garçons que de filles. C’est pas pour rien » Elle, c’est la fonte des glaciers et la montée des eaux qui la préoccupent. «  - Tu te rends compte que La Rochelle risque de disparaître ? La Rochelle !… Où j’ai passé trente ans de ma vie. Où ta mère a rencontré ton père. C’est malheureux à dire, mais elle est partie à temps, tiens, ta pauvre mère ! A croire qu’il y a un bon Dieu et que s’il l’a rappelée à lui, il y a cinq ans, c’est pour lui éviter le désespoir de voir ses plus beaux souvenirs engloutis… Elle a ressassé La Rochelle – et la mort de ma mère – pendant quinze jours.

 

Ma tante Delphine, elle, fond en larmes dès qu’elle m’aperçoit, se jette dans mes bras en sanglotant qu’on va tous mourir. « - Les hommes d’abord et nous après. On veut pas nous le dire pour pas nous affoler, mais on va y passer. On va tous y passer. Mais je veux pas mourir, moi, je veux pas ! » Pour te remonter le moral rien de tel que tante Delphine. Quand elle te lâche enfin t’as plus qu’une envie c’est d’aller te foutre à l’eau.

 

Qui encore ? Ma belle-sœur Aglaé qui m’accable de reproches permanents. Si Lucas, son mari – mon frère – est mort, ma famille en est incontestablement responsable. C’est la nourriture qu’on lui a fait ingurgiter pendant toute son enfance et son adolescence qui est la cause de tout.

 

J’ai aussi une cousine – Bérénice – qui ne m’adresse plus la parole depuis des années. Je ne sais pas pourquoi. Elle ne le sait sans doute pas non plus.

 

Et c’est tout. Autant dire que je suis seule. Je ne suis pas la seule à être seule. On est toutes – toutes les filles que je fréquente – plus ou moins dans la même situation. Les femmes adultes de notre entourage sont, à quelques rares exceptions près, sous le choc. Tétanisées. Incapables de nous apporter quelque réconfort que ce soit. C’est nous qui, au contraire, devons les porter à bout de bras. Leur univers s’est effondré. Elles ont perdu tous leurs repères. Nous aussi. Mais nous, il faut qu’on regarde devant. Malgré tout. Il faut qu’on croie qu’on a un avenir. Ou qu’on fasse semblant. Sinon…
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Dimanche 29 juin 7 29 /06 /Juin 21:23

U N E     L E C O N

 

- Ca a vraiment pas l’air d’aller, toi, dis donc !… T’as des ennuis ?… - Non… Enfin si… Une histoire de mec… Une de plus… De ce côté-là, je suis vraiment pas vernie, on peut pas dire… - Je croyais que les mecs t’avais définitivement tiré une croix dessus… - Pour vivre avec, oui, ça c’est sûr… On m’y reprendra pas… J’ai donné, merci… Et plus souvent qu’à mon tour… Mais c’est pas pour autant que je vais virer à la nonne… J’ai besoin de m’éclater… De prendre mon pied… Comme tout le monde… Eh ben même ça ça m’entraîne dans des histoires pas possibles… - Qu’est-ce qui s’est passé ?… Raconte… - Il s’est passé que je voyais de temps en temps un collègue de boulot… On se prenait pas la tête… On s’envoyait en l’air… Point… Là-dessus on était très clairs… Aussi bien l’un que l’autre… Seulement ce que je savais pas c’est que ma chef avait des vues sur lui… Et quelqu’un l’a mise au courant… Je sais pas qui… Depuis elle me mène la vie impossible… Quelque chose de rare… J’en peux plus… - Quelle drôle d’idée aussi de se rabattre sur ses collègues de travail… Il y en a pas assez ailleurs des types ?… - Si !… Mais c’est la même galère… Pareil… Ca finit toujours par tout un tas d’embrouilles… - Parce que tu te cantonnes à ceux d’ici… Et comme on habite une petite ville où tout le monde se connaît à un moment ou à un autre forcément… Moi, j’ai une règle d’or : 300 kilomètres minimum entre eux et moi… - Et tu les trouves comment ?… - Internet… - Alors ça c’est un truc je m’y risquerais pas… Pour tomber sur n’importe quel cinglé… - Mais non !… Suffit de prendre ses précautions… D’abord ne pas se précipiter… Se donner le temps de le flairer le type… Ensuite ne jamais – en aucun cas – révéler son identité… Et enfin exiger systématiquement une rencontre à l’hôtel… Jamais chez lui… Et si tu tiens vraiment à ne courir aucun risque t’as une solution toute simple : tu donnes rendez-vous à deux types en même temps… Deux qui ne se connaissent pas… Ca élimine les détraqués… Ils se défilent… Ils savent qu’ils n’auront pas les coudées franches… Et deux mecs à la fois en plus ça présente tout un tas d’avantages… Ca crée de l’émulation… Leur petit orgueil de mâle se met en batterie… C’est à celui qui te fera le mieux jouir… T’y trouves ton compte… Et si t’as envie de les utiliser tous les deux en même temps… Pas besoin de te faire un dessin… - Ah ouais !… Ouais !… - Allume ton ordi… Tu vas voir…

 

- Alors ça , là, tu vois, c’est même pas la peine… C’est fantasme et compagnie… Ca va t’amuser des soirées entières pour rien… Ca non plus… Trop de discours… Trop compliqué… Ca sent l’embrouille à plein nez… Et celui-là !… Non, mais regarde ça !… Il se prend vraiment pas pour une merde… Ca peut être amusant à défaut d’autre chose… On lui laisse un mot… - Et lui, là ?… Il est mignon… - Oui, mais terrorisé par sa bobonne… Et pas qu’un peu… Laisse tomber… Non, ces deux, là, et l’autre en bas à la rigueur… On va amorcer… On verra bien…

 

- Alors ?… - Alors il y a que le prétentieux qu’a répondu pour le moment… - Faut leur laisser le temps… Qu’est-ce qu’il dit ?… - Que deux hommes pour moi toute seule je suis bien gourmande… Qu’il préfèrerait que je vienne avec une copine plutôt… Qu’on serait pas déçues… Ah non alors !… - Ben voyons !… Mais ça m’étonne pas… Eh ben on va y aller… On va pas s’ennuyer…

 

Il avait loué une suite dans un luxueux hôtel parisien… - Histoire de nous en foutre plein la vue… Nous attendait affalé dans des coussins disposés à même le sol… - Bonjour, mes petites chattes… Qu’est-ce que vous voulez boire ?… - Rien… On n’est pas venues pour boire… On est venues pour ce que t’as entre les jambes… - Vous au moins, vous y allez pas par quatre chemins… - Il y a quelque chose au moins ?.. On s’est pas déplacées pour rien ?… - Vérifiez si vous voulez… On s’est pas fait prier… - Ah oui, dis donc, oui !… T’as vu ça, Marlène ?… Tu sens ?… Il y a ce qu’il faut… Allez, nous fais pas languir, quoi !… Occupe-toi de nous… On en crève d’envie… Il m’a attirée contre lui… Il s’y prenait pas trop mal… En bon élève appliqué et consciencieux… Sans s’autoriser la moindre fantaisie… Il a soufflé, est retombé… - A moi maintenant !… A moi !… C’est mon tour… Il est bravement reparti à l’assaut… En caresses d’abord… En petits baisers éparpillés un peu partout… Il a enfoui la tête entre ses cuisses… - Oh, c’est trop bon… Viens maintenant, viens !… J’ai trop envie… Il s’est juché sur les avant-bras et il s’est mis à l’œuvre… Plus lourd… Plus lent… Plus besogneux… Il a ahané, est parvenu à ses fins… - Qu’est-ce que tu t’y prends bien !… Toi, tu tiens vraiment la route… Elle lui a mordillé le bout des seins, flatté les couilles… Comment ça m’a mise en appétit !… C’est de la folie… Tu vas m’en remettre un coup, hein !?… Allez !… Ben alors ?… Mais tu bandes plus !… Déjà!… Et nous qu’on comptait que t’allais nous faire passer la nuit !… Tu vas bien ressusciter quand même ?… Aide-moi, Marlène, on va le remettre en état… A nous deux on devrait bien y arriver quand même !… Allez, debout !… Relève-toi , grosse feignante !… T’as encore du boulot… Non… Non… Il y a rien à faire… T’as quel âge ?… - 35… - Et à 35 ans deux petits coups de rien du tout et tu peux déjà plus !… Franchement t’hallucines quand tu vois ça… Les autres c’est six ou sept fois… Au moins… Même des bien plus âgés que toi… Pourquoi tu nous as fait venir alors si tu peux pas ?… Bon, mais on va pas continuer à perdre notre temps… On sait où on peut trouver ce qu’il nous faut… Il y en a d’autres ils assurent, eux !… Tu viens, Marlène ?… On y va…

 

Dehors on a éclaté de rire… - T’as vu comment il était vexé !… Il avait besoin d’une bonne leçon… Il l’a eue… Bon, mais on va aller s’occuper de t’en trouver deux… Pour toi toute seule… Et ça… tu m’en diras des nouvelles…
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Jeudi 26 juin 4 26 /06 /Juin 06:23

Fabienne, c’était le tissage… Paul, la ferronnerie d’art… Elisa, la poterie… Et moi, la peinture et le dessin… On avait fini par conjuguer nos talents et nos finances tous les quatre pour ouvrir une petite échoppe, en plein centre ville, où on avait rassemblé, pour les exposer et les vendre, nos productions respectives…

 

J’assurais la permanence de fin de journée… On entrait, on sortait, on regardait, on commentait, on achetait parfois… J’en profitais pour dessiner et un visiteur venait parfois se pencher avec curiosité, par dessus mon épaule…

 

Elle s’est aventurée début octobre… Elle a un peu tourné, au hasard, et puis elle s’est plantée devant ma table… Trois heures durant elle a suivi, avec une attention intense, fascinée, subjuguée, la course du crayon sur le papier, jusqu’au moment où… - Je dois fermer… Elle s’est enfuie sans un mot…

 

Elle est revenue le lendemain… Elle a repris aussitôt sa place… - Tu t’appelles comment ?… - Isis… Moi aussi, je dessine… Elle s’est tue… J’ai abandonné ce que j’avais en cours… J’ai pris une autre feuille et j’ai esquissé son portrait… L’ovale du visage… Les mèches brunes… Les yeux noir intense qui s’effilaient sur le côté, qui s’enfuyaient vers les tempes en éternel et mystérieux sourire… - Ca y est ?… C’est fini ?… Elle a tendu la main… Et elle l’a emporté comme un précieux butin…

 

Toute la semaine je l’ai dessinée… Chaque jour sous un angle différent… Une perspective différente… Un éclairage différent… Chaque jour je saisissais une nouvelle expression… Un autre moment d’être… Un imperceptible mouvement d’âme… Chaque fois une autre Isis dont elle s’emparait aussitôt, qu’elle enlevait serrée contre son cœur…

 

Le lundi suivant je l’ai imaginée nue… Inventée… Rêvée… Devinée… Lentement caressée, amoureusement façonnée de courbes élancées douces, de remords et de reprises… Elle s’est regardée naître sans un mot… - C’est ressemblant ?… Elle a longuement examiné le dessin, le sourcil froncé, la moue dubitative… - La figure !… Seulement la figure !… Et elle a plongé ses yeux dans les miens…

 

Je me suis levé… J’ai donné deux tours de clé à la porte… - Viens !… Elle m’a suivi… Je n’ai pas eu besoin de le lui demander… Elle l’a fait d’elle-même… La robe par dessus la tête… Le soutien-gorge blanc… La culotte… Elle a tout retiré… Elle m’a fait face… Et j’ai été en regards pleins… D’elle à la feuille… Et de la feuille à elle… A ses seins si exactement seins… A son ventre en pente douce… A son encoche tout à la fois proclamée et dérobée sous la toison résillée…

 

J’ai reposé le crayon… Elle s’est approchée… Elle s’est penchée… Elle a souri, hoché la tête… - Tu es belle !… J’ai pris ses mains entre les miennes, l’ai attirée contre moi… Elle s’est assise sur mes genoux, a lancé éperdûment ses bras autour de mon cou… J’ai effleuré ses cuisses… Je les ai lissées, parcourues, reparcourues… De plus en plus haut… De plus en plus près de la fêlure soyeuse… Une brève incursion… Je me suis éloigné… Je suis revenu à caresses lentes et rêveuses… Elle a frémi, elle s’est ouverte, elle s’est abandonnée…

 

- Faut que j’y aille !… Elle s’est rhabillée en toute hâte, s’est emparée du dessin sur le petit bureau… - Oh non !… Laisse-le moi celui-là !… - T’en referas un autre demain !… Et elle a dévalé l’escalier… Son pas a claqué sur le trottoir…

 

Le lendemain on s’est d’abord doucement aimés et on a séjourné longtemps dans les yeux l’un de l’autre, ivres de reconnaissance et de volupté… J’ai voulu encore la dessiner… Elle a voulu me dessiner aussi… Nus face à face… On relevait la tête, on replongeait, absorbés, concentrés… Nos crayons avalaient, dévalaient le papier…

 

- Tu fais voir ?… - Non… Elle finissait de se rhabiller… J’ai voulu le lui arracher… On a lutté, par jeu, mais elle n’a pas cédé… Elle s’est enfuie… Son rire a résonné longtemps…

 

Je ne l’ai jamais revue…

 

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Dimanche 22 juin 7 22 /06 /Juin 18:34

C’est arrivé au bureau dans une grande enveloppe marron barrée d’un gros “CONFIDENTIEL” rouge… Un CD et quelques mots griffonnés à la hâte… « Regardez ça…  Seul… Vous comprendrez pourquoi quand vous l’aurez vu… Je vous appellerai pour en parler dans quelques jours… »… Il a haussé les épaules… Qu’est-ce que c’était que cette histoire ?… Il a glissé l’enveloppe au fond d’un tiroir et, repris par son travail, il n’y a plus pensé…

 

Quand le téléphone a sonné, le surlendemain, juste avant la pause de midi, il l’y avait complètement oubliée… - Alors ?… Une voix de femme… - Alors quoi ?… - Ce que je vous ai envoyé… vous l’avez regardé ?… Non ?… Vous devriez, vous savez… Vous devriez vraiment… Mais seul surtout, hein !… Et elle a raccroché…

 

Qu’est-ce que ça pouvait être ?… Sa curiosité, cette fois, était piquée au vif… Seul, elle avait dit… Elle avait insisté… Seul… Ca tombait bien : le jeudi soir Valérie avait son cours de gym… Il s’est confortablement installé… Il a lancé… Un couple sur un lit… La femme avait enfoui sa tête entre les jambes de l’homme qui lui pétrissait la nuque… Ouais… Un porno… Un vulgaire porno… Comme il en existait des milliers… Même pas belle l’image en plus !… Il allait éjecter quand, une fraction de seconde, la femme a relevé la tête… Non !… C’était pas possible… Non !… Il est revenu en arrière, a arrêté l’image… Si !… C’était elle, si !… Valérie… Sa femme… Valérie !… Il a continué… Ah, elle y allait !… Comment elle y allait !… Et elle se contentait pas de sucer… Tout y passait… Tout… Ah, elle prenait son pied… Pour prendre son pied elle prenait son pied… Comment elle couinait !… La garce !… Non, mais quelle garce !… Ils avaient bon dos les cours de gym du jeudi, tiens !… Et les soi-disant visites à Vanessa qui  déprimait… Et les week-ends seule chez maman qui s’était toujours pas remise de la mort de papa… Oh, mais elle allait voir… Elle allait voir ce qu’elle allait voir…

 

Il a remis au début… Il a recommencé… Dix fois… Vingt fois… A l’affût du moindre détail… De chacun de ses gémissements… De chacune des ondes de plaisir qui la transfigurait… De chacun de ses coups de rein sur la queue du type… Et c’était qui d’abord ce guignol ?… D’où il sortait ?… Elle l’avait rencontré où ?… Elle devait savoir la bonne femme du téléphone… Oui… Sûrement elle savait… Et elle, elle était qui ?… Qu’est-ce qu’elle avait à voir dans tout ça ?… Rester calme… Ne pas s’emballer… D’abord élucider… Démêler l’écheveau… Les tenants et les aboutissants… Et après… Après seulement frapper un grand coup…  

 

Elle est rentrée un peu après minuit… - Ca va, mon chéri ?… Tu dors pas ?… Qu’est-ce que tu regardais ?… - Oh, rien… des conneries… - Oui, ben moi, je vais au lit… Je suis vannée… Ils te font faire de ces trucs à la gym je te jure… Il l’y a presque aussitôt rejointe… - Non, s’il te plaît, non… Pas ce soir… Je suis complètement moulue…

 

Et l’autre qui rappelait pas… Mais qu’est-ce qu’elle fout, bordel !… Qu’est-ce qu’elle fout ?… Qui a laissé passer trois longs jours… - Allo… C’est vous ?… Enfin !… C’est qui ce type ?… - Mon mari… - Ah !… - Si vous n’y voyez pas d’inconvénient on pourrait peut-être se rencontrer… Pour en parler de vive voix…

 

- Vous ne vous étiez rendu compte de rien ?… - Absolument rien… - J’ai hésité… Et puis finalement j’ai pensé qu’il valait mieux que vous soyez au courant… - Vous avez très bien fait… Et il y a combien de temps que ça dure cette petite comédie ?… - Un mois… - Ah, quand même !… - Vous allez faire quoi ?… Lui en parler ?… - Oh, que oui !… Pas question que je supporte une situation pareille… C’est lui ou moi… Faudra qu’elle choisisse… - Et si c’est lui ?… - Je crois pas, non… - Mais vous n’en êtes pas sûr… Et j’ai de bonnes raisons de penser que ce n’est pas du tout à exclure, croyez-moi… Parce que, pour le moment, ils sont sur leur petit nuage… Seuls au monde… Persuadés de vivre une passion hors du commun… Si vous lui mettez le couteau sous la gorge maintenant il y a toutes les chances qu’elle prenne des décisions définitives… Quitte à les regretter amèrement ensuite… Si vous tenez à la conserver… - Vous proposez quoi alors ?… - D’attendre… De ne pas savoir… Et de les mettre sous surveillance… Des deux côtés… D’échanger toutes les informations que nous pourrons recueillir… Le soufflé finira bien par retomber… Ca retombe toujours… Il y aura un jour une brèche dans laquelle nous engouffrer… Et ce jour-là on sera en position de force… A nous de jouer…- Ca risque de demander un temps fou… - Peut-être que oui… Et peut-être que non… Je peux compter sur vous ?… Elle lui a tendu, par dessus la table, un sac de plastique… - Tout est là… Toutes leurs rencontres… Depuis le début… Du moins celles qui ont eu lieu dans cette chambre… - C’est où cette chambre ?… - Chez moi… Chez nous… La chambre d’amis… On se revoit mardi ?… Pour faire le point…

 

Il y en avait des heures et des heures… Pendant des heures et des heures elle gémissait, se tordait, se pâmait, s’ouvrait, offrait sa chatte, son cul, sa bouche… Elle en redemandait encore et encore… Insatiable… 

 

- Regardez !… Un grand agenda de moleskine noire… - Regardez !… En noir j’ai noté, heure par heure, l’endroit où il prétendait être, ce qu’il prétendait être en train de faire et avec qui… En rouge là où je suis sûre qu’il était vraiment… Avec elle… En bleu j’indiquerai, sur vos indications, la version qu’elle vous a donnée à vous… On y arrivera, vous verrez… On y arrivera…

 

Elle est allé passer le week end chez maman qui n’allait vraiment pas bien… - Elle m’inquiète, tu sais !… Elle m’inquiète vraiment… Et lui, toute la journée du samedi et toute celle du dimanche à les regarder…

 

Elle est rentrée épanouie d’un bonheur qu’elle faisait tous ses efforts pour lui dissimuler, mais qui éclatait de partout. Dans ses yeux, dans ses gestes, dans sa démarche de femelle comblée… - Alors, ta mère ?… - C’est pas ça… C’est vraiment pas ça… Elle se mine… Elle part à la dérive… La seule chose qui l’apaise un peu c’est de me voir, de parler avec moi… Alors… c’est pas que ça m’enthousiasme, mais je suis bonne pour y retourner la semaine prochaine… - Je t’accompagnerai si tu veux… - Oh non, non !… C’est pas la peine… T’as déjà si peu de temps… Et puis elle n’a jamais été vraiment très à l’aise avec toi…

 

Elle a posé un CD sur la table… - C’est tout chaud d’hier soir… Et vous, de votre côté, vous avez trouvé quelque chose ?… - A part qu’elle a passé le week end chez sa mère… - Et mon mari à un tournoi de Badminton… Faudrait qu’on sache où ils vont réellement… Vous vous en occupez ?…

 

Elle s’est agenouillée par terre, nue, s’est lentement penchée en avant… A enfoui la tête dans un coussin, jambes écartées, croupe en l’air… Est restée immobile dans cette position un temps infini… Le type a enfin surgi, de nulle part, la queue dressée… Il lui a lancé une petite claque sur la fesse, l’a brutalement pénétrée et s’est sauvagement élancé à la conquête de son plaisir… Elle l’a remercié d’une salve éperdue de feulements rauques…

 

Dans le lit il s’est doucement approché d’elle… Il lui a effleuré les fesses, les a délicatement caressées… Elle s’est contractée, a soupiré… - J’ai vraiment autre chose en tête en ce moment, tu sais !… Et elle s’est endormie… Il s’est relevé sans bruit, est retourné au salon, l’a ramenée à genoux sur l’écran, le cul tendu, femelle obscène, et il l’a prise, là, avant l’autre… Avant qu’il n’apparaisse… Avec une violence dont il ne se croyait pas capable… Et un plaisir d’une intensité qui lui était encore inconnue…

 

-C’est votre mari que je vais prendre en chasse… Il ne m’a jamais vu… Il ne me connaît pas… Il me mènera bien jusqu’à elle… jusqu’à eux…

 

Il l’y a mené… Une petite auberge de campagne perdue au milieu des bois… Ils ont dîné dans la grande salle du bas… Dans les jumelles ils se souriaient, se prenaient la main… Heureux… Dans la chambre, en haut, ils ont tiré les rideaux jusqu’au bout… Il est rentré… Il s’est me confortablement installé devant eux… Il y a passé la nuit…

 

Et maintenant on faisait quoi ?… Elle a haussé les épaules… - On continue… Qu’est-ce que vous voulez faire d’autre ?… On continue à glaner tout ce qu’on peut glaner… Tout… Le moindre détail peut avoir un jour son importance… Le plus insignifiant en apparence… Il faut engranger encore et encore… Pour plus tard… Pour quand… En se levant elle a posé deux autres CD sur la table… Il les a emportés comme un voleur…

 

Elle s’absentait de plus en plus souvent… De plus en plus longtemps… Il ne posait pas de questions… A peine avait-elle refermé la porte qu’il allait la rejoindre… Qu’il allait les rejoindre… Il passait tout son temps possible avec eux… Avec une préférence marquée pour certaines fois… Celle où elle attendait, le cul en l’air… Celle où il la godait, grande ouverte, sur le lit… Celle où elle le chevauchait dans un orgasme échevelé… Celle enfin où son plaisir s’épuisait dans une volée de mots hurlés, tous plus orduriers les uns que les autres… Il ne s’en lassait pas…

 

- Ca y est… - Quoi, ça y est ?… - Ils nous quittent… Ils vont nous annoncer ça demain… - Ah !… Et vous allez faire quoi ?… - Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ?… Je peux pas le retenir de force… - Moi non plus !… - Tout n’est pas perdu pour autant… Si on sait manœuvrer, si on sait se montrer patients, on les récupérera… On va tout faire pour… S’adapter à la nouvelle situation et redoubler de vigilance… 

 

Il y avait une longue lettre sur la table de la cuisine… Il ne l’a pas ouverte… Il est allé tout droit s’installer devant l’écran…   

Publié dans : histoires méchantes, méchantes histoires
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