regards.croises

Samedi 2 décembre 6 02 /12 /Déc 18:52

A P  E R C U S

 

 

 

- Qu’est-ce tu fais là, toi ?… C’était Silène… - Ben et toi ?… -  J’habite la résidence juste derrière… - Et moi sur la butte là-haut… On a éclaté de rire… Alors là c’était la meilleure !… Quatre ans qu’on était collègues, dans la même boîte, et on ne savait même pas qu’on était voisins… - A peine cinq cents mètres, tu te rends compte !… Du coup on a décidé de rouler ensemble… A tour de rôle…  Parce que la route tout seul!… - Et ça finit par revenir cher à force !…

 

 

Elle passait me chercher… Je passais la chercher… On profitait des cinquante kilomètres de trajet pour faire vraiment connaissance… Parce qu’il fallait bien reconnaître que dans le cadre du boulot ça ne s’y était pas, jusque là, vraiment prêté… Elle était restée mariée six ans, vivait seule depuis dix mois et n’envisageait pas le moins du monde de refaire sa vie… Elle tenait beaucoup trop à sa liberté fraîchement reconquise… - Pour en faire quoi ?… - Plein de choses… - Mais encore ?… Il n’y avait pas moyen d’en savoir plus… 

 

 

- T’es pressé ?… - Non… Pourquoi ?… On passait, ce soir-là, sur la route du retour, à proximité d’un centre commercial… - J’ai du monde ce soir et j’ai plus d’apéro… - Ca tombe bien… Moi aussi j’aurais deux ou trois bricoles à acheter… Au rayon alcools elle s’est accroupie, genoux serrés dans sa petite robe rouge, pour examiner ce qui était exposé tout en bas…  - C’est là qu’ils mettent ce qu’il y a de moins cher… Pas fous !… Elle s’est emparée d’une bouteille de whisky… Elle a mal assuré sa prise… La bouteille lui a échappé… Elle a voulu la rattraper en catastrophe… Son équilibre s’en est trouvé un instant sérieusement compromis… Pour le rétablir elle a, d’instinct, en un réflexe spontané, ouvert les jambes au large… Et j’ai vu… - brièvement, trop brièvement - mais j’ai vu… la délicieuse encoche ciselée à nu…

 

 

On a regagné la voiture… - Faut bien reconnaître qu’on touche des salaires de misère, hein !… Elle m’a coulé de côté un long regard interrogateur…  - Ben oui !… Même pas de quoi se payer une culotte… - Oh, c’est vraiment le truc idiot… Tu vas rire… J’en avais pas sous la main quand je me suis habillée… Fallait que je remonte là-haut… Je me suis dit que j’irais après… Mais j’étais complètement à la bourre ce matin… J’ai couru à droite… J’ai couru à gauche… Je voulais pas te faire attendre… Et… pour finir j’ai complètement oublié… - Et t’as pas pensé à profiter de la pause de midi pour courir en acheter une ?… Faut croire que ça te manquait pas beaucoup… Que c’était pas si désagréable que ça finalement… Elle n’a pas répondu… Elle a fixé la route droit devant elle… - Non, c’est bien imaginé ton histoire, mais ça tient pas debout une seule seconde… Un petit rire un peu gêné…  - Oui… Bon… Je suis grillée, quoi !… - Mais t’inquiète pas !… Ca restera entre nous…

 

 

Le lendemain, à peine étions-nous montés dans la voiture que j’ai voulu savoir… - T’en as une aujourd’hui ?… - A ton avis ?… - Oui… Non… J’en sais rien, moi !… Elle a haussé les épaules… - Qu’est-ce que ça peut te faire n’importe comment !… - Quel pied on doit prendre quand même à se balader comme ça, sans rien en dessous, pendant des journées entières !… Non ?… - Si !… Tu te sens libre… Sans contraintes… - Et se dire en plus que personne ne sait rien, ne se doute de rien quel sentiment fabuleux ça doit être!… J’imagine quand Magnier te convoque dans son bureau ou que tu restes penchée des heures et des heures sur les maquettes avec les types de la section B… Ah, je vais regarder tout ça d’un autre œil, moi, maintenant, là-bas!… Sauf que j’arrêterai pas de me demander douloureusement si t’en as une ou pas… Tu veux pas me dire ?… Vraiment ?…   - J’en ai jamais quand je suis en robe ou en jupe… Toujours quand je suis en pantalon… - Merci…

 

 

Elle n’éprouvait pas de véritable réticence à en parler… Et je m’étais allègrement engouffré dans la brèche… - C’est la première fois ?… - La première fois que quoi ?… - Que tu te fais prendre sur le fait ?… - Par quelqu’un que je connais, oui !… - Un jour ou l’autre ça devait arriver… Tu savais qu’un jour ou l’autre ça arriverait… Forcément … Comment ça doit contribuer à l’excitation… Comment ça doit faire monter l’adrénaline… Se dire qu’à tout moment n’importe quoi peut se produire… Sans qu’on puisse prévoir où… Ni dans quelles conditions… Avec quelles conséquences… Ce qu’on doit le redouter !… Tout en en ayant, en même temps, terriblement envie… Non ?… - Comment tu sais ça, toi ?… - Tu te rends compte si ça t’arrivait au boulot ?… Ta robe qui s’accroche quelque part… Ton siège qui se renverse… Ou autre chose… Ne me dis pas que tu n’y as pas pensé… Que tu ne l’as pas mille et mille fois délicieusement appréhendé… - Oui, ben alors là, au boulot, ça me ferait pas rire du tout… - N’empêche que tu en prendre quand même le risque…

 

 

- Et des inconnus ?… Il y en a qui se sont déjà rendu compte ?… - Tu fais moins attention avec des inconnus… - Ce qui veut dire que tu t’arranges pour qu’ils s’en aperçoivent tout en ayant l’air de ne pas le faire exprès… Elle a ri… De bon cœur… - C’est à peu près ça… Mais faut quand même pas exagérer.. C’est pas systématique… - Et ils réagissent comment ?… - Ca dépend… Il y en a qui font semblant de rien… Il y en a qui écarquillent de grands yeux stupéfaits… Mais la plupart tu sais pas… Tu peux quand même pas aller les regarder sous le nez pour voir quel effet tu leur fais… - Tu sais ce qu’il te faudrait ?… C’est un espion… Un espion attentif et discret qui surveillerait les réactions des uns et des autres et te ferait, après, un rapport circonstancié… Et c’est un rôle qui me conviendrait parfaitement, non, tu crois pas ?…

 

 

Elle a traversé le parking du centre commercial jusqu’à la voiture, en poussant tranquillement son chariot… Elle a ouvert le coffre, s’est penchée pour y ranger les courses… La jupe est remontée haut, découvrant les fesses… Un vieux monsieur, juste en face, les a goulûment fixées… Sa femme a suivi son regard et, la bouche arrondie en un « Oh » de muette réprobation, l’a furieusement tiré par la manche… Elle s’est penchée plus avant encore, jusqu’au fond du coffre, offrant une vue imprenable, insolente, sur ses replis secrets… Une camionnette a ralenti, klaxonné… A l’intérieur les trois ouvriers, en bleu de travail, étaient hilares… Un jeune homme qui courait, tête baissée, l’a brusquement relevée… Toutes ses provisions se sont éparpillées à ses pieds… Elle s’est lentement redressée, a claqué le coffre, contourné la voiture, s’est installée au volant… Je l’ai rejointe… - Alors ?!…

 

 

Pour son pot d’adieu – il partait enfin à la retraite – Mélisson avait fait les choses en grand… Buffet titanesque… Champagne à gogo… Toute la boîte était là… Le grand directeur était même tout spécialement revenu de Bratislava… Ce qui n’a pas empêché Barbier d’engloutir une quantité impressionnante de coupes de champagne… Et presque autant de verres de whisky… Il était persuadé qu’il avait de l’humour… Beaucoup d’humour… L’occasion ou jamais pour lui de briller de tous ses feux… Il était entouré d’une cour d’admiratrices qui gloussaient à chacun de ses bons mots… Avec de moins en moins de retenue… Un grand éclat de rire… Tous les regards ont convergé vers eux : il en avait capturé une qu’il promenait sur ses deux bras tendus tout autour de la salle… A côté de moi Silène a murmuré… - Quel crétin ce Barbier!… La même chose avec une autre qui a battu tant et plus des jambes en poussant de grands cris… Il l’a reposée et il est venu vers nous… - Ben alors !… C’est quoi ces têtes d’enterrement ?… On sait pas s’amuser dans ce coin ?… Je vais vous arranger ça, moi !… Silène a senti le danger… Elle a voulu discrètement s’éclipser… C’est ce qui l’a perdue… Il l’a happée au passage… - Allez, hop !… Elle a voulu résister, s’est débattue… Il a insisté,  l’a soulevée, renversée… La robe est remontée haut, très haut… Tout le monde a vu…

Par François - Publié dans : regards.croises
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Mardi 21 novembre 2 21 /11 /Nov 16:40

C A N I C U L E

 

 

 

( version de Frédérique )

 

 

Elisa ne dormait pas non plus… Elle s’éventait sur la terrasse… - Hou !… Quelle chaleur !… J’arrive pas à fermer l’oeil… - Moi non plus… - Et si on allait faire un tour à pied ?… Jusqu’à la mer ?… Il doit faire frais là-bas…

 

 

Elles ont retiré leurs chaussures… Les vagues leur ont léché les chevilles… Elles ont remonté leurs robes jusqu’en haut des cuisses, se sont aventurées plus loin… - On se baigne ?… - Sans maillot ?… - Il est deux heures du matin… Qui veux-tu qui traîne encore par ici ?… Il fait nuit noire n’importe comment… Et elles ont quitté leurs vêtements… Sont entrées résolument dans l’eau… Se sont abandonnées aux vagues, laissé bercer, porter, dériver, envelopper… Longtemps…

 

 

- Faudrait peut-être rentrer… Ils vont s’inquiéter là-bas… Elles ont retrouvé le sable à regret, lentement, jusqu’à leurs vêtements… Qui n’étaient plus là… - Hein ?!… Mais c’est pas possible !… Elles ont cherché à droite, elles ont cherché à gauche… Plus loin… Encore plus loin… Sont revenues… Ont recommencé… - On nous les a piqués, c’est clair… - Mais qui ça?… - Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?… - Mais pourquoi ?… - Pour les vendre, tiens !… C’est pas la première fois que ça arrive ici… Je suis idiote aussi… J’aurais dû y penser… Elles se sont regardées… - On a l’air fines… Et elles ont éclaté d’un long fou rire nerveux…

 

 

- Qu’est-ce qu’on va faire ?… Faut trouver une solution… - Je vois pas laquelle… - Et si on allait frapper à une des maisons là-bas ?… On explique notre situation et… - C’est ça !… Toi, tu t’en fiches, t’es en vacances, mais moi je suis connue ici… Je tiens pas à être la risée de tout le pays… - Ou alors on s’enterre dans le sable et la première personne qui passe on l’envoie prévenir nos maris qu’ils viennent nous chercher avec des vêtements… - Encore mieux !… C’est pour le coup que… - Je sais pas, moi !… Je cherche… - Non… Le mieux - je vois pas autre chose - c’est qu’on essaie de rentrer… - Comme ça ?!… - C’est pas si loin… Et il y a personne dans les rues à cette heure-ci… Alors avec un peu de chance… - C’est risqué, non ?… - Ca sera encore plus risqué dans une heure… Il fera jour…

 

 

Personne sur le boulevard qui longeait la mer… Elles l’ont traversé aussi vite qu’elles ont pu… Rue du port non plus, personne… Elles ont accéléré le pas… Tourné à gauche… Une camionnette a fait son apparition tout en haut de la rue Emile Zola, s’est arrêtée… Elles se sont dissimulées dans l’embrasure d’une porte cochère qui a obstinément refusé de s’ouvrir… Un type est descendu… - Il nous a vues, tu crois ?… - Chut !… Tais-toi !… Il a arpenté le trottoir, tête levée vers les fenêtres, s’est approché, approché encore, immobilisé… Il a fait demi-tour, a encore levé la tête, est remonté dans la camionnette, reparti en marche arrière… - On l’a échappé belle !...

 

 

Le long de l’épicerie Dutourd étaient entreposés de vieux cageots… Elles en ont subtilisé deux, au passage, abri de fortune derrière lequel elles se sont efforcées de cacher, tant bien que mal, leur nudité… - Non, mais de quoi on doit avoir l’air ?… Et elles ont hâté le pas…

 

 

A l’angle de la rue Mermoz elles ont dû attendre qu’un retraité ait fini de sortir ses poubelles… - Alors il se grouille, ce con !… Il le fait exprès, c’est pas possible !…

 

 

Les derniers mètres elles les ont parcourus à la course… Aussi vite qu’elles ont pu… Le portail… Qu’elles ont poussé… Refermé… Sauvées… Et elles sont parties d’un fou rire interminable, irrépressible qui les a secouées toutes… - Non, mais c’est quoi cette mascarade ?… Ils étaient accoudés au balcon tous les deux là-haut… - Et ça les fait rire en plus… - Attendez !… Entre deux fous rires… - Attendez !… On va vous raconter… Elles se sont regardées et c’est reparti de plus belle… Impossible à arrêter… - Nous, que nos femmes se baladent à poil dans les rues on trouve pas ça spécialement drôle… Dégrisées brusquement… - On va vous expliquer… Si vous saviez ce qui nous est arrivé…

 

 

- Oui, figurez-vous !… Tout en montant les rejoindre… - On était sur la plage… Il y avait personne… Alors on s’est dit, vu la chaleur qu’il faisait, que… - Oui, ben commencez par aller passer quelque chose… Vous discuterez après… 

 

 

 

 

 

 

 

 

II

 

 

 

 

( version de Mickaël )

 

 

 

 

Nulle cette soirée, mais d’un nul !… Et il faisait une chaleur à crever en plus !… - On se casse ?… Et on a filé en douce, Victor et moi… - On fait quoi ?… Il a haussé les épaules… - Qu’est-ce tu veux faire à cette heure-ci ?… Tout est fermé… On est descendus vers la mer, on a marché au hasard sur la plage… - C’est quoi ce truc blanc ?… - Où ça ?… - Ben là !… C’était des sapes… Des sapes de nana… - Elles sont deux… Et il y a l’assortiment complet… Tu paries qu’elles se baignent à poil ?… - Oh, tu crois ?… On a scruté les vagues, mais il faisait trop sombre pour pouvoir discerner quoi que ce soit… - On leur pique ?… Comment elles vont être emmerdées !…

 

 

On a emporté notre butin sur un banc du boulevard désert et on l’a tranquillement examiné : une culotte et un string blancs, un seul soutien-gorge, blanc aussi, une robe bleue, un tee shirt jaune paille et un pantalon assorti… De la poche arrière Victor a triomphalement extirpé une carte d’identité… - C’est la mère Legrand !… - Non ?!… - Si !… - Et ça doit être sa sœur l’autre… Elle est venue passer les vacances chez elle… - Oh, putain !… Faut absolument qu’on arrive à les voir… - Facile… Elles sont coincées là-bas maintenant… Il va pas tarder à faire jour… On n’aura plus qu’à débouler par hasard… Et on s’est planqués, en attendant, sous les arcades…

 

 

- Les v’là !… Si, là-bas, c’est elles !… - C’est pas vrai qu’elles vont rentrer comme ça ?!… Eh ben dis donc elles ont pas peur !… - Mais alors forcément elles vont passer sous… On a jeté leurs vêtements dans une poubelle et on est retournés là-bas… A la course… - Ben où vous étiez passés ?… - Arrêtez la musique !… Eteignez les lumières !… Vite… Faites pas de bruit et venez voir !… Ca va valoir le coup… Tout le monde s’est agglutiné aux trois fenêtres sur la rue… - Mais il y a rien… - Chut !… Chut !… Attendez !…

 

 

Elles ont fini par apparaître en bas de la rue… Avec des tas de coups d’œil inquiets autour d’elles… - Oh, la vache, mais elles sont à poil !… Et tout le monde a regardé… Même les filles… Il y en a une qui a chuchoté derrière moi… - C’est pas vrai que c’est Madame Legrand… Elles se sont approchées… Tout près… En dessous… Un ronflement de moteur… Qui les a précipitées sous la porte cochère juste en face, plaquées contre elle, tournées vers nous… - Ce pot qu’on a !… En murmure à côté… - Mais oui, mes chéries, montrez-nous bien vos chattes… Comment elle est touffue sa sœur, t’as vu ça ?… Et cette paire de lolos qu’elle a !… Le moteur s’est éloigné… Elles sont reparties… Leurs deux paires de fesses ont majestueusement ondulé jusqu’à l’angle de la rue Paul Bert, ont disparu… Victor a poussé du coude… - On leur dit pas que c’est nous, hein, pour leurs sapes !… Ca craint…

 

 

Quelqu’un a rallumé… Ca a rigolé… Ca a commenté et puis ils ont voulu savoir… - Ben alors racontez !… Qu’est-ce qui s’est passé ?… Qu’est-ce qu’elles foutent à poil dehors ?… - Ca !… On en sait rien… Nous, on était juste descendus prendre un peu l’air… On les a vues, de loin, qui revenaient de la plage… Comme ça… Alors on s’est dit que sûrement elles remontaient chez elles, qu’elles allaient passer par ici… Et on a foncé, tu parles !

 

 

 

 

 

 

 

 

III

 

 

 

 

( version de la rue )

 

 

 

 

- Vous êtes pas au courant ?… Pour Madame Legrand… Vous êtes pas au courant ?… - Non… - Mais tout le monde parle plus que de ça !… - Qu’est-ce qu’il y a eu ?… - Il y a eu qu’avec sa sœur cette nuit elles ont profité de ce que leurs maris dormaient pour aller faire la java… - C’est pas possible !… - Si !… Et avec des gamins en plus !… Chez Molinaro ça s’est passé… - Molinaro !… - Molinaro, oui !… Et je peux vous dire que c’était quelque chose… Que ça y allait… L’alcool, le rat chiche et le reste… Tout !… Et elles il fallait pas leur en promettre à ce qu’il paraît… - C’est pas croyable !… - Mais le plus beau… vous savez pas le plus beau ?… Le plus beau c’est que tout ce joli monde a fini par aller faire ses cochonneries sur la plage… - Non !… - Si !… - Et que je te vais avec l’un et que je te vais avec l’autre… Ah, elles s’en sont donné !… Elles s’en sont même tellement donné qu’elles ont fini par s’endormir là et que quand elles se sont réveillées – les autres étaient partis depuis longtemps – elles étaient incapables de savoir ce qu’elles avaient fichu de leurs vêtements… Vous croyez que ça les a dérangées ?… Pensez-vous !… Elles sont rentrées comme ça, toutes nues à travers les rues, en rigolant comme des folles… Seulement je peux vous dire que les maris ils leur avaient préparé un sacré comité d’accueil… Ca !… - Pauvre monsieur Legrand !… Je le plains… Il est tellement gentil cet homme… Jamais un mot plus haut que l’autre… Toujours à se mettre en quatre pour vous rendre service… - Ah ça, on peut dire qu’il a pas tiré le gros lot avec elle… - Elle a pas toujours été comme ça pourtant !… - Oui, oh !… Disons qu’elle cachait bien son jeu… Parce que quand on sort d’où elle sort… On peut faire illusion un moment, oui, mais le naturel reprend vite le dessus… La preuve !…

Par François - Publié dans : regards.croises
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Jeudi 9 novembre 4 09 /11 /Nov 06:23

U N E     R E N C O N T R E

 

 

 

Chaque matin, quand j’arrive au bureau, je commence, avant toute chose, par aller voir sur Internet si j’ai des messages… Je dialogue au passage avec l’une, avec l’autre, selon l’inspiration du moment, et puis j’ouvre mon courrier… Au fil du temps des correspondances ont pris corps, trouvé leur rythme de croisière… D’autres, après s’être emballées, se sont affadies, effilochées, défaites…

 

 

« Chrysalide » est là tous les jours… Elle me submerge de réflexions, d’impressions, de considérations générales – il y en a des pages et des pages – auxquelles je réponds vaguement, sans trop m’attarder, juste pour ne pas rompre le contact…

 

 

Mais ce matin-là… un doute… plus qu’un doute… Ce qu’elle est en train de me raconter c’est – presque mot pour mot – ce que Christine, ma femme, m’a raconté la veille au soir : un incident auquel elle a assisté, dans la rue, et qui l’a profondément affectée…

 

 

Le jeu devient brusquement très excitant… Et si ?… Il faut que j’en aie le cœur net… Je me montre plus chaleureux, passionné par ce qu’elle est, par ce qu’elle vit… Elle s’engouffre dans la brèche, s’épanche tant et plus, avec une infinité de détails, une abondance de précisions, une jubilation… C’est bien Christine…

 

 

Et maintenant je vais faire quoi ?… Je n’en sais rien… Me laisser guider, pour commencer, par l’inspiration du moment… Je hasarde quelques questions plus personnelles… Son mari ?… Oh, ça va très bien avec son mari… Très très bien… Elle n’a rien – absolument rien – à lui reprocher… Ravi de l’apprendre, mais alors qu’est-ce qu’elle fait sur Internet, s’il est si parfait ?… Hein ?… Mais rien… Rien du tout… Elle discute, c’est tout !… Oui, oh alors ça!... Quand on vient traîner par là c’est – forcément – qu’on a une idée derrière la tête et que… Je l’agace, tiens !… Je l’agace vraiment…

 

 

Je l’agace, mais ça ne l’empêche pas de venir me retrouver tous les jours, plusieurs fois par jour, de plus en plus souvent, de plus en plus longtemps… Nos messages, nos dialogues, nos échanges se font de plus en plus complices, de plus en plus abandonnés, de plus en plus tendres…

 

 

Elle avait exclu d’emblée l’éventualité d’une rencontre… - N’y comptez pas !… Là-dessus je serai intraitable… C’est elle maintenant qui l’envisage, qui la réclame, qui insiste… - J’ai tant besoin de mettre un visage sur vous, sur ce que vous êtes, sur ce que vous écrivez…

 

 

Je résiste, je gagne du temps, je louvoie… Evidemment !… Elle ne s’en fait que plus pressante… Ca devient permanent, obsessionnel… Je peux evidemment couper court, disparaître sans explication, mais je n’en ai pas la moindre envie… Je me suis pris au jeu et – surtout – je brûle de savoir jusqu’où elle est capable d’aller…

 

 

Internet offre de multiples ressources… Une petite annonce explicite et, le lendemain, j’avais 40 volontaires tout disposés à se rendre au premier rendez-vous à ma place… J’en ai rencontré trois ou quatre, sélectionné un, un dénommé Eric, au physique sombre et torturé – ce sont ceux qu’elle préfère – auquel j’ai laissé carte blanche à condition qu’il me raconte tout… absolument tout… dans les moindres détails…

 

 

Le dimanche suivant… Ca lui allait le dimanche suivant ?… Pas trop non… Pas facile pour elle le dimanche… C’était malheureusement le seul jour où il m’était possible de me libérer… Dans ce cas… Elle se débrouillerait… Elle s’arrangerait…

 

 

Elle a passé un temps interminable dans la salle de bains… - Tu vas où comme ça ?… On peut savoir ?… Maquillée, pomponnée, ravissante… - A un vernissage… Avec Natacha… le vernissage d’un ami à elle qui peint des croûtes et se prend terriblement au sérieux… Elle a insisté… J’ai pas pu refuser… Une vraie corvée, je t’assure !…

 

 

Eric a appelé à six heures… - Je l’ai vue… On a passé quatre heures ensemble… Elle est amoureuse… Pour être amoureuse elle est amoureuse… - Et vous avez ?… - Non, j’ai pas voulu précipiter, mais ça devrait pas tarder…

 

 

Une demi-heure après elle était là… - Hou là là !… Quelle journée !… Je suis vannée… Je vais prendre une douche, tiens, ça me détendra…

 

 

Le soir, quand elle m’a cru endormi, elle est allée rédiger un long message enflammé sur lequel je me suis précipité le lendemain en arrivant au bureau… Auquel j’ai aussitôt répondu sur le même ton… Elle m’a supplié toute la matinée… Il fallait qu’on se revoit, le plus vite possible, le plus tôt possible… C’était bien trop loin dimanche…

 

 

Je lui ai envoyé Eric le mardi… - Alors ?… - C’était à deux doigts, vraiment à deux doigts, mais non… Non… Pas encore…

 

 

On ne se verrait plus… Je préférais… Hein ?… Mais pourquoi ?… Parce que... c’était trop difficile pour moi… Je la désirais trop… Je n’en pouvais plus… Oh, mais… Mais ?… Mais moi aussi, Eric… Moi aussi… Si tu savais… Eh bien alors !… Et on a convenu d’un rendez-vous, à l’hôtel, pour le lendemain soir…

 

 

Quand elle a poussé la porte, toute auréolée de désir, c’est moi qu’elle a trouvé dans la chambre…

Par François - Publié dans : regards.croises
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Mercredi 1 novembre 3 01 /11 /Nov 21:30

Il y a des croisements de regards qui ont, à l'évidence, beaucoup plus d'importance que d'autres...

A D I E U X

 

 

J’étais à l’hosto… le genre d’accident idiot : à un feu rouge le type était arrivé derrière moi comme une bombe et m’avait propulsée au milieu du carrefour… Trois vertèbres il m’avait bousillées ce con… Résultat : huit jours d’observation et une minerve… Qu’est-ce que je pouvais m’emmerder !… Va lire, toi, quand t’es obligée de garder la tête sans arrêt toute droite… En plus, avec la transpiration, ça arrêtait pas de me gratter là-dessous… Une horreur… Je traînais mes journées comme une âme en peine… A regarder les gens passer en bas… A déambuler dans le hall dans un sens, dans l’autre, jusqu’au plus tard possible quand il y avait plus personne…

 

 

Ce soir-là il faisait une chaleur torride… J’étais moite et je n’avais pas la moindre envie de retrouver la touffeur de ma chambre… Toute seule sur un banc, dehors, je me laissais bercer par la rumeur de la ville, en arrière-fond, sans penser à rien… Je ne l’ai pas entendu arriver… - Ca vous ennuie pas que je m’assieds là ?… Ben non… Non… Il était à tout le monde le banc… C’était un vieux… Au moins soixante ans… Avec des jambes d’une maigreur là-dessous… Et un teint !… On aurait dit qu’il était transparent… - Faut que je parle à quelqu’un… C’est la dernière fois… Demain je reviendrai pas du bloc… - Oh, mais faut pas dire ça !… Ca se passera très bien vous verrez… - Non, je reviendrai pas… Ils ont été très francs avec moi… J’ai une chance sur dix de m’en sortir… - Ben, c’est toujours ça !… Faut vous battre, hein !… Faut pas vous laisser aller… Il m’a pris le menton dans sa main, m’a tourné la figure vers lui… - Fais-toi voir !… Tu es belle… Tu es la dernière à qui j’aurai parlé… C’est bien que tu sois belle… C’est mieux… Je suis content…

 

 

Hou là là… C’était quoi cette histoire ?… - Qu’est-ce qu’on raconte à quelqu’un qu’on n’a jamais vu quand on n’a plus que quelques heures à vivre ?… Tu sais pas ?… Evidemment que tu sais pas… Tu peux pas savoir… Moi non plus d’ailleurs !… De toute façon il y a rien à dire… Il n’y a plus rien à dire… C’était avant qu’il fallait parler… Tu sais quoi ?… Comment tu t’appelles ?… - Julia… - Tu sais quoi, Julia ?… Eh bien on parle jamais assez… Des choses essentielles je veux dire… Il faudrait pas les garder pour soi… Jamais… Ca te ronge à l’intérieur sinon… Ca te détruit… Tu as un petit ami ?… Non ?… Ca viendra… Tu seras amoureuse… Ou tu croiras l’être… Eh bien si tu veux le garder parle !… Parle !… Parle !… De ce que tu sens… De ce que tu aimes… De ce que tu détestes… De ce qu’on ne dit jamais… N’importe qui – tu sauras ça un jour – n’importe qui peut s’entendre avec n’importe qui… N’importe quel homme avec quelle femme… A condition de parler… De ne jamais laisser s’installer le silence… C’est simple… Tout est simple en fait…Toujours… On complique tout… Comme à plaisir… On oublie de vivre… Qu’est-ce qu’on attend pour vivre ?… D’avoir fait ci, d’avoir fait ça… D’avoir eu ci, d’avoir eu ça… On reporte toujours à après, à plus tard… Comme si après ça devait toujours être mieux pour profiter de la vie… plus approprié au bonheur… C’est toujours maintenant le bonheur si on le veut… C’est toujours à conquérir sur ce qui vient se mettre en travers… Sur ce qui voudrait l’étouffer… Quand on a compris ça on en a compris des choses !… On a presque tout compris en fait… Il y en a pas beaucoup des choses importantes à savoir dans la vie… Elles se comptent sur les doigts d’une main… Est-ce que tu as peur de mourir, Julia ?… Oui… Sûrement… On a toujours peur de mourir à ton âge… On se pourrit la vie avec ça… Et quand le moment est vraiment arrivé, est vraiment là, tu n’as plus peur… Tu te sens tranquille… serein… Tout est dans l’ordre des choses… Ca devait être comme ça… Eh bien c’est comme ça… C’est l’orgueil – encore lui !… - qui gâche la mort, qui la rend insupportable… Parce qu’on veut laisser une image de soi… avoir fait quelque chose de sa vie… marqué son époque… Quelle idiotie !… Quelle prétention !… N’attends rien de toi-même et tu n’auras pas de regrets… Tu partiras tranquille… Plus tu te seras incrustée dans ton présent et plus… Mais tout ça pour toi c’est… Tu as quel âge ?… - 22… - Ca peut pas encore te parler, c’est normal… Plus tard… Un jour…

 

 

Il s’est levé… - Bon… Il est temps… Je me suis levée aussi… Il m’a fait face, a posé les deux mains sur mes épaules, m’a attirée tout près… - La dernière… Derniers yeux… Dernier regard… Dernier sourire… S’il te plaît, souris !… Je l’ai fait… - Merci… Il m’a déposé un baiser sur le front… - Vis !… Sois heureuse !… Et il est parti… Au moment de disparaître, au détour du couloir, il s’est retourné une dernière fois avec un petit signe de la main…

 

 

Le lendemain il n’est pas revenu du bloc…

 

Par François - Publié dans : regards.croises
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Mardi 31 octobre 2 31 /10 /Oct 07:33

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Mon but était d'être lu... Il est d'ores et déjà atteint au-delà de mes espérances... Du fond du coeur soyez-en remerciés... Vos passages, vos commentaires, votre présence constituent pour moi un formidable encouragement à écrire encore et encore... Pour mon plaisir et, je l'espère, longtemps encore pour le vôtre...

Bonne journée à tous...

François

Par François - Publié dans : regards.croises
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